20 juin 2019

Nationale

Urbanisme

Le droit de visite à l’achèvement des travaux exercé sans l’accord préalable de l’intéressé porte atteinte au droit au respect de la vie privée

En application de l’article L.461-1 du code de l’urbanisme le préfet et l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire ainsi que les agents habilités pour constater les infractions peuvent visiter les lieux accueillant les constructions pour vérifier la conformité des travaux pour lesquels un PC a été délivré.

L’exercice de ce droit de visite sans l’accord préalable de l’intéressé (propriétaire ou occupant) constitue-t-il une atteinte au respect de la vie privée et par là même une violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme ?

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) amenée à apprécier la conformité de ce droit au regard des droits fondamentaux protégés par la convention européenne, a répondu par l’affirmative dans un arrêt rendu le 16 mai 2019 . Elle a rappelé que la notion de domicile doit être entendue au sens large (résidence secondaire en l’espèce). Elle estime que l’entrée d’agents publics au sein du domicile sans autorisation de l’occupant ainsi que la prise de photos à l’intérieur de cet espace utilisé pour des activités relevant de la vie privée constitue une ingérence, contraire à la convention européenne, sauf si elle est prévue par la loi ou si elle poursuit un but légitime et nécessaire pour atteindre cet objectif.

La CEDH étudie donc la base légale (ici l’article L.461-1 du CU), le but (prévention des infractions pénales) et la nécessité de l’ingérence (visite justifiée car des infractions ont été constatées et sanction d’une ampleur limitée car le PC de régularisation a été délivré).

Elle relève que les visites fondées sur l’article L.461-1 du CU peuvent être réalisées à tout moment sans que soit explicitement mentionnée la nécessité de l’accord préalable de l’occupant et sans autorisation judiciaire préalable. Elle constate que les réponses ministérielles qui recommandent de rechercher l’accord préalable de l’occupant ne sont pas respectées et que la possibilité de s’opposer à la visite est purement théorique dans la mesure où un tel refus est constitutif d’une infraction pénale. Elle conclut que la visite effectuée sans l’accord de l’occupant et sans autorisation judiciaire et a fortiori en l’absence d’une voie de recours effective, n’est pas proportionnée au but légitime recherché et constitue une violation de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

Cette décision a été rendue avant la modification apportée par la loi ELAN au régime du droit de visite et de communication. Depuis, si l’exercice du droit de visite a été renforcé (il peut s’exercer pendant 6 ans après l’achèvement au lieu de 3), il est encadré : à défaut d’avoir obtenu l'assentiment préalable et la présence de l'occupant des lieux pour la mise en œuvre du droit de visite des domiciles, une procédure juridictionnelle autorise les autorités compétentes à procéder au contrôle.

Pour en savoir plus consulter la Circulaire relative à l’achèvement des travaux soumis à PC et l’annexe de la Circulaire relative à la réforme de la prescription pénale

 

Sandrine Zerbib/ s.zerbib@fpifrance.fr