07 juin 2019

Nationale

Construction

En cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires (TS) relèvent du forfait s’ils sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage 

 

Le marché à forfait est le contrat dans lequel la fixation du prix est convenue d’avance et globalement pour des travaux dont la nature et la consistance sont précisément définies.

En présence d’un tel contrat, selon l’article 1793 du code civil l’entrepreneur ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu.

Qu’en est-il si des travaux supplémentaires sont nécessaires pour exécuter le marché ?

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’entrepreneur doit prévoir dans le montant de son forfait tous les travaux nécessaires à l’exécution de l’ouvrage selon les règles de l'art (Civ. 3eme, 17.11.99,  N°98-11998). Elle a également considéré que les travaux indispensables à la sécurité de l’immeuble sont à la charge de l’entreprise (Civ.3eme, 08.06.05, N°04-15046 pour des garde-corps).

Dans un arrêt du 18 avril 2019 (Civ. 3eme, 18.04.19, N°18-18801) elle confirme sa jurisprudence en faisant une application stricte du texte. En l’espèce un établissement bancaire a confié la rénovation d’une agence à une entreprise chargée du lot "gros œuvre-démolition" dans le cadre d’un marché à forfait. La dalle de béton reposant sur une assise granitique rocheuse compacte a rendu indispensable la réalisation d’importants travaux de déroctage sur environ la moitié du plancher bas pour permettre l’abaissement de la dalle et le respect de la réglementation d’accessibilité aux personnes handicapées. L’entreprise a assigné le maître de l’ouvrage en paiement de ces travaux supplémentaires. La haute juridiction retient qu’« en cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s’ils sont nécessaires à la réalisation de l’ouvrage ». Les travaux de déroctage relèvent donc du marché à forfait et l’entreprise qui les a exécutés ne peut en demander paiement.

Il en aurait été autrement en présence d’une autorisation écrite préalable ou d‘une ratification par le maître de l’ouvrage de ces travaux ou encore de la constatation d’un bouleversement de l’économie du contrat.

Concernant cette dernière notion, pour mémoire, la Cour de cassation a jugé qu’il n’y a pas de bouleversement de d’économie du contrat imputable au maître de l'ouvrage, lorsque celui‐ci a fourni, imposé et vendu les métrés, établis par le maître d'œuvre, à l’entreprise ( Civ. 3e, 19 janv. 2017, N°15‐20846 ).

Il importe d’être vigilant sur ce point dès lors que la notion d’imprévision est inscrite dans le Code civil ( art. 1195) depuis le 1er  octobre 2016, date d’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats (cf Circulaire FPI relative à la réforme du droit de contrats et des obligations).

Si vous avez contractualisé la norme NF P 03-001 dans vos marchés de travaux, amendée depuis octobre 2017 (qui comme son nom ne l’indique pas n’est pas obligatoire mais constitue une norme d’application volontaire), cette dernière prévoit (11.1.1.1) que « en cas d'augmentation de la masse des travaux, l'entrepreneur est tenu d'exécuter les travaux supplémentaires tant que l'augmentation, évaluée aux prix initiaux, n'excède pas le quart du montant initial des travaux ».

En outre, aux termes des clauses modificatives dans le cas de marchés à prix global et forfaitaire définis ne varietur (ann. D), dans le cas de modifications des charges imposées par voie législative ou réglementaire, qui auraient une incidence sur le coût d'exécution de l'ouvrage, « les dépenses ou économies en résultant dans les déboursés de l'entrepreneur et qui ne seraient pas prises en compte par la formule de variation de prix, sont ajoutées au montant du règlement ou en sont défalquées sur production de justifications précises », étant précisé que dans ce cas, l'accord entre les parties doit être formalisé par un avenant.

Pour ces motifs, le modèle FPI de CCAG de marchés de travaux (v. janvier 2019) a supprimé toute référence à la norme NF P 03-001 (cf.§ 2.21.7) et propose des variantes sur l’acceptation du risque par l’entreprise lors de la conclusion du marché pour écarter l’imprévision (cf. § 26 et suiv.).

 

Sandrine Zerbib / s.zerbib@fpifrance.fr