ZAN : la consommation excessive d’ENAF est dangereuse pour la santé (juridique) des PLU !
Cette semaine, nous vous proposons de revenir sur quelques jurisprudences et réponses ministérielles récentes rendues à propos de la définition et la mise en œuvre de la trajectoire ZAN dans les documents de planification, les SCOT et PLU en particulier, pour lesquels la date butoir d’inscription des objectifs de réduction de la consommation d’ENAF se rapproche à grands pas, comme mentionné dans le Supplément juridique FPI INFOS dédié au ZAN (v. janv. 2024) et rappelé lors du RDV Live FPI du 3 juin dernier.
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1/ Consommation excessive d’ENAF et annulation d’un (nouveau) PLUi
Le temps passe et les annulations de documents de planification (SCOT ou PLU) se succèdent.
Récemment, c’est au tour du PLU de Metz Métropole d’être censuré par le tribunal administratif de Strasbourg le 24 juillet dernier (TA Strasbourg, 24 juill. 2025, n° 2404936).
En l’occurrence, l’annulation du PLU est totale et le jugement ne prévoit aucune modulation dans le temps de cette censure ce qui peut fragiliser les autorisations d’urbanisme délivrées sur sa base dans les limites posées à l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme, que nous n’évoquerons pas ici.
Cette décision illustre une fois de plus l’enjeu des données et leur appréciation par le juge administratif dans le cadre d’un contentieux (cf. FPI INFOS du 31/05/2024 : « le juge administratif et les données »).
Parmi les multiples griefs soulevés par les requérants, ceux-ci contestaient les prévisions de croissance démographique et l’incidence du phénomène de desserrement des ménages. S’agissant des prévisions de croissance démographique, le tribunal administratif a confirmé qu’elles n’étaient pas fondées sur des données obsolètes, point qu’avaient retenu les juges nantais pour annuler le PLU valant SCOT de de la communauté de communes Questembert Communauté (cf. FPI INFOS précité). Concernant l’incidence du phénomène de desserrement des ménages, après avoir consulté les données disponibles de l’Insee, le juge « enquêteur » a considéré que l’estimation du besoin en logements « doit être regardée comme réaliste », regrettant au passage « le caractère confus et peu compréhensible des estimations chiffrées du rapport de présentation ».
Si le TA écarte les éléments sur la vacance immobilière dans l’habitat et la mobilisation des fiches en zone résidentielle, en revanche, il retient l’argument tiré de l’insuffisance du rapport de présentation, qui ne permet pas de distinguer les espaces relevant d’une démarche de densification urbaine de ceux réalisés en extension. Il ne justifie pas non plus l’écart de densité retenue par rapport à celle visée dans le SCOT. Dit autrement, la « sous-densification » injustifiée d’un PLU par rapport au SCOT peut aboutir à son annulation par le juge.
De la même manière sur le développement des activités économiques, le rapport de présentation est jugé insuffisant, notamment à propos de la vacance et des friches d’activité.
Mais surtout les magistrats ont considéré que « la fixation des objectifs de modération de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers repose sur une évaluation insincère et non justifiée, ce qui entache le rapport de présentation d’une insuffisance substantielle ».
Pour parvenir à cette décision, ils ont pris soin de consulter le portail de l’artificialisation des sols de l’Etat :
« […] le portail de l’artificialisation des sols de l’Etat, qui constitue la base de données de référence au titre de l’article R. 101-2 du code de l'urbanisme, évaluait la consommation foncière sur la période de référence à 336,9 hectares sur le territoire concerné. Librement disponibles en ligne en février 2024 soit antérieurement à la décision attaquée, ces données autorisent donc le PLUi à ouvrir près de 170 hectares à l’urbanisation, soit environ la moitié de ce que prévoit le plan en litige. ».
De son côté, « Pour justifier les chiffres retenus dans le PLUi, la métropole fait valoir qu’elle a utilisé les données du portail de l’artificialisation des sols mais également celles de la base OCS de la région Grand Est, qui permettraient une analyse plus fine du territoire à l’aide de photographies satellites. ».
Pour les juges, « La métropole n’apporte toutefois aucun élément de nature à éclairer la méthodologie qu’elle dit avoir retenue ni aucun élément probant au soutien de son estimation. Ainsi, eu égard à l’écart significatif entre le chiffre pris en compte par les auteurs du PLUi et celui du site officiel, écart qui avait vainement suscité des interrogations tant de l’autorité environnementale que de la commission d’enquête, Metz Métropole ne saurait faire valoir que la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers passée retenue par le PLUi reflète la consommation réelle durant les 10 dernières années précédant l’approbation du plan […] ».
Une décision contestée - puisqu’elle fait l’objet d’un appel devant la CAA de Nancy – et on le comprend, car comme le précise le site officiel du portail de l’artificialisation à propos de la méthodologie de production des données, celles-ci sont issues des fichiers fonciers (données MAJIC retraitées par le Cerema), et non de l’observation satellite de la consommation des ENAF, une notion qui elle aussi fait couler beaucoup d’encre.
2/ La doctrine administrative sur le ZAN est contestable mais légale
Par deux arrêts rendus le 24 juillet dernier, le Conseil d’État a rejeté les requêtes visant l’annulation du fascicule n°1 (parmi les 4 publiés) et de la circulaire du 31 janvier 2024 relatifs à la mise en œuvre du principe de « zéro artificialisation nette » (CE, 24 juill. 2025, n° 492005 et 493126).
Notons que dans ces décisions, le juge administratif confirme que les énonciations du fascicule n°1 et de la circulaire, n’ont pas qu’une portée pédagogique et qu’ils peuvent produire des effets sur la situation des collectivités. Les recours pour excès de pouvoir sont donc recevables.
Ces décisions confirment la validité de l’interprétation faite par l’administration concernant :
• la mesure de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF),
• la possibilité pour un document d’urbanisme de dépasser temporairement de 20 % l’objectif chiffré fixé par un document de rang supérieur.
Concernant d’une part la consommation d’ENAF, le Conseil d’État a validé la doctrine selon laquelle celle-ci se mesure au moment du démarrage effectif des travaux, et non en fonction du zonage du PLU ou du PLUi. Se fondant sur l’article 194, III, 5° de la loi du 22 août 2021 et l’article R.101-1 du code de l’urbanisme, le juge précise que « les espaces naturels, agricoles et forestiers ne doivent être regardés comme consommés […] que lorsqu’ils perdent dans les faits leur usage naturel, agricole ou forestier au profit d’un usage urbain » (CE, 24 juill. 2025, n° 492005). Cette approche permet de qualifier d’ENAF des parcelles situées dans des zones urbaines du PLU, dès lors qu’elles subissent une transformation effective.
S’agissant d’autre part de la marge d’appréciation de la compatibilité des documents d’urbanisme, la circulaire du 31 janvier 2024 recommande aux services de l’État de tenir compte d’un dépassement temporaire de 20 % de l’objectif d’ENAF pour les documents inférieurs, en fonction des besoins concrets et après une appréciation au cas par cas. Le Conseil d’État a jugé qu'une telle marge ne peut être regardée comme étant de nature à remettre en cause les objectifs globaux de réduction de l'artificialisation des sols et qu’elle ne méconnaît pas davantage le sens et la portée de la loi dans la mesure où un dépassement ne pourra être autorisé qu'après une appréciation au cas par cas (CE, 24 juill. 2025, n° 493126).
3/ Pas de dérogation possible pour la mise en compatibilité du PLU avec le SCOT
Comme mentionné précédemment, les dates butoir pour inscrire la trajectoire de réduction de la consommation d’ENAF dans les SCOT et les PLU s’approchent soulevant des difficultés pratiques pour les collectivités et les professionnels de l’aménagement et de l’immobilier.
A l’occasion d’une question ministérielle, une sénatrice a demandé au ministre de l’Aménagement du territoire quelles démarches administratives pourraient permettre à une commune de ne pas appliquer immédiatement les prescriptions d’un SCOT, lorsqu’elles sont source de désaccords ou s’avèrent difficiles à respecter (Rép. min. n° 01505, JO Sénat Q, 21 août 2025, p. 4557).
Le ministre a rappelé que le SCOT est juridiquement opposable au PLU et qu’aucune procédure dérogatoire ne permet de se soustraire à cette obligation de compatibilité : le PLU doit être mis en conformité avec les orientations du SCOT et ce sous peine de sanctions (suspension de la délivrance des autorisations d’urbanisme dans les zones à urbaniser).
Pour assurer cette compatibilité, l’autorité compétente doit analyser le PLU au regard de l’ensemble des documents de rang supérieur, notamment le SCOT, et délibérer sur son maintien ou sa mise en compatibilité dans des délais précis :
• trois ans après l’entrée en vigueur du PLU ou de sa dernière mise à jour,
• un an si le SCOT est postérieur.
Les PLU élaborés ou révisés depuis le 1er avril 2021 suivent une procédure de modification simplifiée, tandis que pour les PLU plus anciens, le délai est d’un an pour une simple modification ou de trois ans si une révision est nécessaire.
4/ Garantie communale de 1ha : demander le mode d’emploi !
Dans une réponse ministérielle plus récente encore (Rép. Min.n°2268, JO Sénat Q, 4 sept. 2025, p.4780), à la demande d’un sénateur, le ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation est venu donner le mode d’emploi de la garantie communale de 1ha prévue dans la loi « ZAN » du 20 juillet 2023.
Pour permette le développement des territoires et assouplir l’objectif ZAN, la loi (art. 4) prévoit qu’une commune couverte par un document d'urbanisme avant le 22 août 2026 bénéficie d'une surface minimale de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers de 1 ha sur la période 2021-2031. Initialement circonscrite aux communes rurales (« garantie rurale »), cette garantie s’applique à toute commune rurale ou non.
« Cette disposition s’applique, que la commune ait consommé ou non des espaces sur la décennie précédente et peu importe à quelle hauteur. Ainsi, toute commune qui a consommé entre 0 et 2 ha durant la période 2011-2020, et qui, avec l’application d’une réduction à hauteur de 50 %, aura une cible de consommation maximale comprise entre 0 et 1 ha, bénéficiera de cette garantie minimale à hauteur de 1 ha. »
Autre précision utile : « Elle ne présente toutefois pas un caractère automatique car le code de l’urbanisme reste applicable, notamment l’article L. 151-5 relatif au contenu du plan local d’urbanisme incluant l’obligation d’une étude de densification préalable à l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers ».
Il s’agit de démontrer que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés, les locaux vacants et les friches.
Comme le prévoit la loi « le bénéfice de la garantie communale n’exonère pas du respect des servitudes ou périmètres de protection environnementale, agricole ou forestière en vigueur (ex : zone humide, zone agricole protégée, réserve biologique…). ».
« Enfin, l’hectare de consommation d’espaces peut être mutualisé au niveau intercommunal à la demande des communes, dans le cadre législatif actuel. »
Sur ce dernier point, le ministère indique que le Gouvernement est favorable à ce que des assouplissements additionnels puissent être apportés au dispositif, notamment concernant l’échelle de la mutualisation de l’hectare communal, et renvoie aux débats en cours au Parlement dans le cadre de l’examen des propositions de loi portant sur le « zéro artificialisation nette ».
A suivre !