26 avril 2019

Nationale

Urbanisme

Les appels à projets « sous contrôle » du juge administratif (risque de requalification en contrat relevant de la commande publique)

Les appels à projets « sous contrôle » du juge administratif (risque de requalification en contrat relevant de la commande publique)

Dans un avis rendu le 22 janvier 2019 suite à sa saisine par le Gouvernement sur les conditions de réalisation de l’appel à projets international « Reinventing cities » sur les passerelles innovantes sur la Seine, le Conseil d’Etat apporte des précisions utiles pour mieux cerner les risques de requalification en contrat public (marché ou concession) de cette nouvelle forme de consultation largement pratiquée par les collectivités publiques.

En revanche, la CAA de Lyon a elle requalifié un appel à manifestation d’intérêt en concession d’aménagement » (CAA Lyon, 28 fév. 2019, N°16LY02954). Prudence … 

Dans l’affaire des passerelles innovantes de la Seine, le Conseil d’Etat rappelle que « la création de nouvelles voies et leur affectation à la circulation, y compris piétonne, relèvent de la satisfaction d’un besoin public » et qu’en outre, les ponts figurent sur la liste des activités qui sont des travaux en droit de la commande publique (cf art. 5 ordo 23.07.2015 et art.6 ordo 29.01.2016) pour lesquelles il existe une forme de présomption de réponse à un besoin de la personne publique, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de vérifier que le pouvoir adjudicateur a fixé des exigences et exercé une influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage.

Il souligne par ailleurs que « s’il n’est pas possible de déterminer avec précision les termes de l’équilibre financier du contrat final (…) la seule mention du modèle économique suffit à démontrer que l’opération a un caractère onéreux et que le lauréat de l’appel à projets recevrait, dans ce montage, une contrepartie, qu’il s’agisse d’un prix ou du droit d’exploiter l’ouvrage réalisé ».

La Haute juridiction en conclut que « l’opération envisagée dans le cadre de l’appel à projets lancé par la Ville de Paris relève d’un contrat de la commande publique, sans qu’il soit possible à ce stade de se prononcer sur la nature exacte du contrat final ».

S’agissant d’un contrat relevant de la commande publique, le Conseil d’Etat relève que la publicité préalable au choix du lauréat consistant en la mise à disposition du dossier d’informations sur un site internet dédié et une communication sur les réseaux sociaux, ces démarches ne peuvent être regardées comme une procédure de publicité devant précédé la conclusion d’un contrat de la commande publique. La conclusion d’un contrat (marché public ou concession) serait donc nécessairement entachée d’illégalité.

Dans ce contexte, la Haute juridiction recommande « pour prévenir tout risque juridique » de respecter ce préalable de publicité dans les formes prévues par le code de la commande public, tout en rappelant que lorsque la personne publique n’est pas au moment où elle lance un appel à projets, en mesure de déterminer le type de contrat sur lequel il pourrait déboucher, d’appliquer la procédure de passation la plus rigoureuse (CE, 10 juin 2009, N°317671).

Dans l’affaire du CHU de Dijon jugée par la CAA de Lyon, la ville avait lancé un appel à manifestation d’intérêt en vue de la cession de ce site à un opérateur économique, en contrepartie de l’obligation pour ce dernier d’y réaliser une cité internationale et un écoquartier inscrit dans un programme d’aménagement urbain d’intérêt communal prévu au PLU. Saisi par un membre du conseil municipal d’un recours contre la délibération autorisant le maire à céder ce site, la CAA de Lyon relève que « le contrat de cession par la commune d’un terrain de son domaine privé conclu avec la société, assortie d’une obligation  de travaux qui répond aux besoins qu’elle a précisément exprimés, et qui impose à l’aménageur de remettre à la commune, après réalisation, les voies et espaces communs, vaut concession d’aménagement et revêt en conséquence le caractère de contrat administratif ».

Il convient donc d’être prudent avant de répondre à un appel à projets et d’observer les équipements concernés (ex. : voiries), le degré de précision de la demande de la collectivité exprimée dans le cahier des charges ainsi que le modèle économique du projet pour déterminer si le projet peut relever d’un contrat relevant de la commande publique et si les modalités de publicité de l’appel à projets sont adaptées compte tenu des règles posées par le code de la commande publique. A défaut, le lauréat risque des déconvenues …