26 avril 2019

Nationale

Urbanisme

Annulation d’une concession d’aménagement exécutée pour vices entachant sa validité

 

Le Conseil d’Etat a considéré que les graves irrégularités affectant la légalité du choix du concessionnaire n’étaient pas régularisables et impliquaient l’annulation de la concession d’aménagement pourtant déjà exécutée, les conséquences de son annulation ne portant pas une atteinte excessive à l’intérêt général (CE, 15 mars 2019, N°413584).

En l’espèce, en 2011, une commune a conclu avec un promoteur une concession d’aménagement ayant pour objet la restructuration de plusieurs secteurs du centre-ville. Un candidat évincé a formé un recours en annulation de la concession. Dans cet arrêt, la Haute juridiction reprend le principe posé par la décision « Tarn et Garonne » (CE, 4 avril 2014, N°358994 : Lien ) selon lequel le juge après avoir constaté l’existence de vices entachant la validité du contrat en apprécie l’importance et les conséquences et prononce, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général : l’exécution lorsque la régularisation est possible, la résiliation ou l’annulation en tout ou partie en cas d’impossibilité de régularisation.

Le CE a relevé dans un premier temps trois irrégularités majeures contraires aux principes fondamentaux de la commande publique (mise en concurrence, publicité et transparence) :

  • défaut de capacité financière du titulaire de la concession (absence de justification des capacités financières que la maison mère s’engageait à mettre à disposition de sa filiale),
  • rupture d’égalité de traitement entre candidats (l’architecte qui a élaboré les dossiers de demande de PC est celui qui a assisté le promoteur pour la négociation de la concession),
  • modification substantielle de l’économie du projet en cours de négociation en méconnaissance du règlement de la consultation (nombre très significatif de logements locatifs sociaux d’un certain type, hausse de densité et parkings supplémentaires).

Le CE retient que « les vices qui ont entaché la convention révèlent une volonté de la personne publique de favoriser un candidat. Par leur gravité et en l’absence de régularisation possible, ils impliquent que soit prononcée l’annulation de la convention dès lors qu’une telle mesure ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général. »

C’est ce qu’examine le CE dans un second temps. Il considère que l’annulation d’une concession d’aménagement n’a pas par elle-même pour effet d’anéantir rétroactivement les actes passés pour son application. Ainsi les baux emphytéotiques entre la commune et l’aménageur, qui ont fait l’objet d’actes séparés, peuvent encore être contestés. De même, il n’est pas allégué que les actes de droit privé conclus avec des tiers pour l’acquisition, la vente ou la location de biens immobiliers situés dans le périmètre de l’opération seraient entachés d’un quelconque vice du consentement qui pourrait conduire les acquéreurs à les contester. La circonstance que la concession est arrivée à son terme et que les travaux prévus sont achevés ne porte aucune atteinte à l’intérêt général.

Il ajoute qu’il appartiendra aux parties de réexaminer l’exécution financière de la concession sur le terrain quasi contractuel de l’enrichissement sans cause et le cas échéant sur celui de la faute.

Cet arrêt qui va à l’encontre de la jurisprudence constante des juridictions d’appel qui consiste à ne pas annuler un contrat public lorsqu’il est achevé, invite les promoteurs à être très vigilants quand ils signent une concession d’aménagement au risque de voir leur projet anéanti face à un candidat évincé, en cas de méconnaissance des règles fondamentales guidant la commande publique.