14 mai 2020

Nationale

Actions en justice COVID-19: l’évaluation et la prévention des risques doivent se baser sur une évaluation des situations de travail réelles.

Saisi par l’inspection du travail, le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné le 11/05/2020 à une société de coursiers de mettre à jour son évaluation des risques en associant le CSE. La société, Le Coursier de Lyon, est chargée de préparer et livrer les commandes des clients d’hypermarchés Carrefour.

Un membre du CSE avait saisi l’inspection du travail dans le cadre de son droit d’alerte pour danger grave et imminent. Constatant des manquements lors d’un contrôle, l’inspection a assigné l’entreprise en référé. Le juge constate que l’approvisionnement en dispositifs individuels de protection (gants, gel, masques) n’était pas satisfaisant, qu’il n’y avait pas d’affichage de préconisations pour lutter contre le virus et que l’évaluation des risques n’intégrait pas suffisamment le CSE.

Le juge remet en cause la cotation du risque de contamination qui aurait dû être noté comme entraînant une possibilité de décès.

Le DUER est critiqué car il ne reposait pas sur une évaluation des situations de travail réelles par site et par métier. Le plan de prévention des risques avec Carrefour était trop général.

Enfin, l’information et la formation des salariés aux mesures de protection et de sécurité étaient insuffisantes.

Après ces constatations, le juge ordonne à la société de :

  • reprendre son évaluation en intégrant le CSE à chaque étape ;

  • sur la base de l’évaluation et en lien avec les donneurs d’ordre, définir une organisation permettant de garantir les salariés ;

  • traduire cette organisation dans chaque plan de prévention liant l’employeur à ses clients ;

  • informer et former de façon appropriée les salariés notamment sur les EPI ;

  • tenir à disposition les notices d’utilisation des EPI ;

  • informer le service de santé au travail de l’exposition des salariés à un risque biologique et mettre en œuvre la surveillance médicale prévue pour ce risque ;

  • informer tous les salariés sur les règles applicables aux personnes à risques, puis placer en télétravail ou en arrêt de travail les salariés s’identifiant comme tels.

Voir l’ordonnance de référé du Tribunal Judiciaire de Lyon du 11/05/2020


Cette jurisprudence s’inscrit dans la continuité de la décision de la CA de Versailles « Amazon France » du 24 avril dernier [insérer le lien], selon laquelle l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (art. L 4121-1 du code du travail). L’employeur est par ailleurs tenu d’évaluer, compte tenu de la nature des activités de l’entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, de transcrire les résultats dans un document unique et de mettre en œuvre les mesures de prévention adéquates (art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à R. 4121-4 du CT). Amazon a été critiqué pour ne pas avoir procédé à une évaluation ordonnée et systématique des risques liés à la pandémie au regard de chaque poste de travail, d’avoir pris des mesures au fil des jours sans préalablement associer les représentants du personnel.

Les juges d’appel, comme les juges de première instance, reprochent à cet employeur l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie, l’absence d’évaluation des risques psychosociaux, l’insuffisante actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels sur plusieurs sites, l’absence de plan d’ensemble maîtrisé (se satisfaisant de mesures au jour le jour), et l’insuffisante formation des salariés.

Voir l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles du 24 avril 2020