Serions-nous devins ?
La semaine dernière encore, les faits nous ont donné raison.
Depuis des années, on nous explique, à grands renforts de tribunes bien souvent dogmatiques, ou d’analyses superficielles, que la France n’a pas besoin de construire, qu’il suffit de mobiliser les trois millions de logements vacants.
Nous nous sommes élevés contre cette analyse, en précisant que l’essentiel des logements vacants est situé dans des territoires en décroissance (la diagonale du vide), là où il n’y a pas de besoin en logements neufs, sauf à obliger nos concitoyens à vivre là où il n’y a ni activité ni emplois.
Il a fallu attendre la semaine dernière pour que la Cour des comptes rétablisse la vérité des chiffres : seuls 118 330 logements vacants sont situés en zones tendues. Factuel.
J’aurais pu me réjouir de la confirmation, par la Cour des comptes, de notre analyse relative aux logements vacants. Mais je ressens surtout de l’agacement, car ce n’est pas la première fois que les faits nous donnent raison.
Premier exemple : la TVA. Nous avons alerté Bruno Le Maire dès mai 2023 sur les conséquences fiscales d’un effondrement de la construction de logements collectifs neufs. Moins de logements, c’est moins de TVA (près de 4 milliards de TVA en moins). Un an plus tard, le ministre l’a reconnu. À quel prix ? Perte de temps, absence de décision, accentuation de la crise.
Deuxième exemple : les prix du neuf. La stratégie initiale de l’Élysée reposait sur un raisonnement aussi simpliste qu’erroné : laisser les promoteurs souffrir pour faire baisser les prix. Mais les prix du logement neuf sont d’abord des prix techniques, liés aux coûts de construction et à ceux des matériaux. Cela fait trois ans qu’ils sont stables, autour de 5 000 €/m². La crise ne les fait pas baisser, elle ne fait que bloquer la production.
Troisième exemple : le Pinel. Pendant des années, l’inspection générale des finances a tenté de démontrer que ce dispositif était inutile, que les logements se construiraient sans lui. Depuis sa disparition, les ventes à investisseurs particuliers ont été divisées par six. Le marché ne répond plus, faute d’incitation adaptée. Là encore, dans un rapport publié le 5 septembre 2024, la Cour des comptes avait démontré tout l’intérêt de ce dispositif.
Non, n’allez pas croire que la FPI est actionnaire de la Cour des comptes, mais, en quelques mois, elle nous donne raison deux fois de suite.
Quatrième exemple : l’emploi. Depuis 2023, nous annonçons, avec les membres de l’Alliance pour le Logement, des pertes d’emplois importantes liées à la chute de la production de logements collectifs neufs. Un logement en moins, ce sont au minimum deux emplois détruits. Et sans doute plus si l’on prend en compte toute la chaîne de l’amont à l’aval avec ses emplois directs mais aussi indirects. Je l’ai rappelé encore dernièrement, dans mon édito du 2 mai dernier. « Hasard » du calendrier, le chômage repart à la hausse.
Alors, serions-nous devins ?
La réalité est plus prosaïque. Nous ne sommes que des professionnels, ancrés dans la vraie vie. Des acteurs du concret, de la technique, du quotidien. Nous voyons venir les dérives non pas parce que nous sommes extralucides, mais parce que nous savons.
Par conséquent, je ne peux que conseiller aux pouvoirs publics de prêter attention aux professionnels, en toute sérénité et avec détermination. Écoutez ceux qui construisent, qui font tourner l’économie. Ne perdez pas un temps précieux à donner du crédit à des idéologues qui vous emmènent sur des chemins sans issues. Ce temps, que nous ne pouvons plus perdre, doit être consacré à loger nos concitoyens.
Car tout cela, nous l’avions dit. Depuis longtemps. Et si nous avions été écoutés à temps, la crise du logement que traverse notre pays n’aurait sans doute pas atteint une telle profondeur.
Je l’annonce ici : et si nous étions la solution de la crise économique et budgétaire que nous connaissons. Un logement, ce sont des emplois non délocalisables, des rentrées fiscales plus importantes, …
Et vous verrez aussi que, comme pour la suppression des ZFE votée il y a 48 heures par l’Assemblée nationale, en ce qui concerne la politique du logement, la vraie vie va l’emporter mais que de temps, que d’emplois, que de recettes perdus.