Nationale

Editorial du Président

Et si les permis de construire étaient délivrés à vie ?

Nous vivons dans un monde où tout doit être durable… sauf le permis de construire.

Un permis de construire n'est valable que trois ans, éventuellement prorogeable deux fois un an, sous certaines conditions que les collectivités locales acceptent désormais plus rarement. À ce titre, le projet de décret élaboré par le gouvernement, qui prévoit de proroger automatiquement de deux ans les permis de construire délivrés entre avril 2022 et mars 2024, va dans le bon sens. De nombreux adhérents de la FPI l’attendent avec impatience.  

Néanmoins, une fois le délai de validité – trois ans, voire cinq ans en cas de prorogation – écoulé, le permis devient obsolète. Comme si le projet qu’il incarne n’avait plus de raison d’être.

Pourtant, un bâtiment, une fois sorti de terre, est conçu pour durer au moins 50 ans, souvent bien davantage. Il structure un quartier, façonne une ville, abrite des familles, soutient parfois des activités commerciales et économiques.

Alors, pourquoi imposer une forme d’obsolescence programmée du permis de construire ? Pourquoi considérer qu'une autorisation qui respecte les règles à l’instant « T » deviendrait caduque en si peu de temps, alors même que les contraintes financières et économiques freinent de plus en plus la mise en œuvre des projets.

D'autant que l'obtention d'un permis de construire n'est pas un acte anodin ni improvisé.
C'est l'aboutissement d'un travail long, rigoureux et collectif, mobilisant architectes, urbanistes, bureaux d'études techniques (thermique, structure, acoustique, environnement), juristes… Et lorsqu’une pré-instruction est menée, elle donne lieu à un dialogue approfondi entre promoteurs et collectivités locales.

Il faut de longs mois pour aboutir à un dossier conforme, solide, de grande qualité. Chaque permis de construire est ainsi le fruit d’un concentré d'expertises, du respect des normes, et d'un engagement concret en faveur d’un développement territorial harmonieux.

Pourtant, d’autres permis, qui présentent souvent des enjeux plus importants, sont délivrés à vie :  permis de conduire (quelle que soit la catégorie, même pour conduire des voitures avec des grosses remorques ou des caravanes), permis de chasse, permis bateau, etc. Peut-on sérieusement considérer que construire des logements collectifs (réalisés par des professionnels et qui font l’objet de multiples certifications, attestations, contrôles) est plus dangereux que de conduire un véhicule avec une énorme caravane ?

Pourquoi ce que nous jugeons acceptable pour des activités individuelles serait-il refusé lorsqu’il s’agit d’un acte aussi structurant que la construction d’un bâtiment, qui façonne durablement notre cadre de vie collective ?

L'idée mérite d’être posée sereinement.

Et si, une fois délivré, un permis de construire était valable sans limite de durée ?
Cela éviterait des pertes économiques majeures pour les territoires et mettrait fin à l’insécurité juridique permanente dans laquelle les acteurs du secteur sont plongés.

Le monde change. Les projets immobiliers doivent s'adapter à des cycles économiques plus longs, à des conditions de financement plus contraignantes, à des démarches administratives de plus en plus lourdes.

À rigidité croissante, doit répondre une simplicité de bon aloi : un permis de construire délivré à vie !

Cette réforme serait une véritable bouffée d’oxygène. Une sécurisation bienvenue pour tous les porteurs de projets, qu'ils soient publics ou privés. Et, surtout, une marque de confiance dans la durée, la stabilité, et l'utilité des constructions que nous réalisons.

À la FPI, nous sommes convaincus que simplifier, sécuriser, faire confiance sont les seuls moyens de répondre à la crise du logement.

Le permis de construire doit redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un droit réel, durable et pleinement assumé d’édifier l’avenir.

Pascal Boulanger, président de la FPI