Nationale

Editorial du Président

Y-a-il un pilote dans l’avion ?

En 2004 était fait le constat que la France connaissait une crise paradoxale du logement. Le niveau de la construction de logement était élevé, et pourtant, déjà à cette époque, il était difficile pour les classes moyennes d’accéder à la propriété.

Plus de quinze ans plus tard, où en sommes-nous ?

Nous ne pouvons plus parler de crise paradoxale mais de crise profonde, de crise de la pénurie, le niveau de construction de logements collectifs, notre cœur de métier, étant aujourd’hui à un niveau extrêmement bas : le nombre d’autorisations délivrées pour les logements collectifs s’élève à 180 000 sur les dix premiers mois de l’année. L’atterrissage sera un peu meilleur qu’en 2020, année au cours de laquelle seulement 186 000 logements collectifs avaient été autorisés. Mais il se situe à un niveau extrêmement bas, loin du pic de 260 000 logements collectifs autorisés en 2017. Depuis cette date, inexorablement, le nombre de logements collectifs autorisés diminue d’année en année.

Jusqu’à présent, lors des différentes crises que nous avons eu à affronter, un dialogue constructif sur la base d’un objectif clair de reprise de la construction s’établissait entre les pouvoirs publics et les acteurs professionnels : la fédération des promoteurs immobiliers au premier chef mais aussi avec les autres fédérations.

Aujourd’hui, nous vivons un nouveau paradoxe : alors que la crise s’installe durablement, aucun objectif clair n’est affiché, mais seulement une multitude d’injonctions contradictoires. L’évolution forte du nombre de ménages en France nous impose de construire en quantité pour y répondre, et, en même temps, le gouvernement nous impose des contraintes toujours plus fortes qui nous empêchent d’avancer.

Retournons-nous un instant sur quelques mesures prises au cours de l’année qui va bientôt s’achever : cohabitation progressive d’un Pinel +, très (trop) exigeant en termes de performances environnementale et énergétique ou de qualité d’usage, avec le Pinel « classique », dont les taux baisseront fortement, zéro artificialisation nette, nouveau DPE et interdiction annoncée de louer ou de vendre en deçà des nouvelles étiquettes F et G, etc…

À cela s’ajoute, j’ai déjà eu maintes fois l’occasion de le signaler, l’attitude des maires qui, parce que leurs concitoyens le leur demandent, traitent les demandes de permis avec malthusianisme.

Je considère que les injonctions contradictoires auxquelles nous sommes soumis et qui viennent brider nos actions sont le fait de l’absence d’une ligne directrice forte impulsée par le plus haut niveau de l’État. Impossible de construire une politique publique essentielle, et le logement en est une, sans qu’un cap soit fixé et maintenu fermement. Les chefs d’entreprise que nous sommes, pour une bonne partie d’entre nous, le savent.

Ce cap n’existe pas, et ce depuis ces cinq dernières années.

En l’absence de vision politique nationale, la ministre du Logement, qui comprend nos problématiques et qui œuvre pour permettre aux Français d’accéder au logement dont ils rêvent, doit batailler en permanence avec ses collègues du gouvernement qui eux ne voient la question du logement qu’à travers un seul et unique prisme, dont je ne conteste pas l’importance, celui de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais avoir ce seul angle de vue aboutit finalement à considérer que le logement qui ne pollue pas est celui que l’on ne construit pas.

Pour éviter que ce nouveau paradigme ne s’installe durablement dans les esprits de nos ministres, mais aussi de nos maires et de nos concitoyens, il importe qu’un message fort et équilibré, un cap, un marqueur du prochain quinquennat, soit porté par le futur chef de l’État : produire des logements durables en quantité. À ce titre, la remise la semaine dernière des Pyramides d’Or 2021 a démontré, s’il en était besoin, l’excellence de nos réalisations et la performance environnementale de nos bâtiments.

Les promoteurs sont prêts, eux, pour éviter une nouvelle crise du logement. Quid des pouvoirs publics ?

 

Pascal Boulanger
Président de la FPI