Vitesse de croisière terminée, mode régate
De mémoire de promoteur, nous n’avons jamais connu une situation aussi préoccupante. Le tour de table que j’organise lors des réunions de nos différentes instances montre que les ventes de logements se font de plus en plus rares.
Plus inquiétant, les contraintes auxquelles nous sommes confrontés, qui étaient beaucoup moins impactantes lors des dernières crises, rendent hypothétiques, si les choses restent en l’état, tout espoir de rebond.
L’inventaire, même succinct, donne le tournis : taux d’usure qui fait chuter le nombre de prêts immobiliers aux particuliers délivrés par les banques, banques qui imposent des taux de commercialisation proches de 50 % pour financer les opérations, hausse des coûts de construction qui met en péril l’équilibre économique des opérations, nouvelles modalités de calcul du DPE qui aboutissent, parfois, à classer en catégorie B voire C des logements qui répondent pourtant aux exigences de la RE 2020, durcissement des critères de performance énergétique et de qualité d’usage pour continuer à bénéficier du taux « normal » de réduction d’impôt pour le Pinel, etc.
D’autres dangers se profilent. Le député d’Indre-et-Loire Daniel Labaronne, co-rapporteur d’une mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement, a clairement indiqué que « nous mobilisons beaucoup d’argent [pour le logement] pour une efficacité de la dépense publique toute relative. ». Et dernièrement encore, Pierre Moscovici, le président de la Cour des Comptes a renchéri en indiquant que « s'il existe une piste d'économie qui est presque la première et la plus évidente, c'est le logement ». Nous sommes en crise et les pouvoirs publics envisagent de bloquer encore plus l’acte de construire, alors que nous démontrons régulièrement que le logement procure pour l’Etat plus de recettes que de dépenses fiscales.
Dans un tel contexte, nous aimerions avoir à nos côtés un Gouvernement et un Parlement qui prennent la mesure du problème et qui mettent en œuvre des mesures fortes pour relancer l’acte de construire au bénéfice des 140 000 ménages que nous logeons chaque année.
De même, il est étonnant d’observer que nos concitoyens, otages de cette galère par le fait d’avoir une part toujours plus importante de leurs revenus consacrée au logement, ne se mutinent pas.
Pourtant rien ne se passe. Calme plat, marée basse, pétole comme diraient les marins.
Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation. Je refuse la fatalité qui consisterait à subir, crise après crise, un accès toujours plus difficile à ce bien de première nécessité qu’est le logement.
Les nombreuses rencontres avec des ministres et des parlementaires sont pour moi l’occasion de tirer la sonnette d’alarme et de proposer des solutions. A l’heure de la défense du pouvoir d’achat, je suis stupéfait que le logement, plus gros budget des ménages (30 à 40% de leurs revenus, selon les catégories socio-professionnelles), ne soit pas un sujet de préoccupation.
Le contexte m’incite à passer à la vitesse supérieure. Il est plus que jamais indispensable de démultiplier les canaux par lesquels nos messages sont diffusés auprès de nos décideurs publics.
Il est dorénavant nécessaire, surtout dans le contexte institutionnel actuel où il n’existe pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale, de sensibiliser l’ensemble de nos parlementaires, députés et sénateurs, pour qu’ils mesurent l’ampleur de la crise actuelle que connait le logement collectif neuf.
C’est pourquoi j’ai décidé d’embarquer avec moi, comme diraient les marins, tous les présidents des chambres régionales. Je les incite, et ils ont accepté cette mission, d’aller à la rencontre des parlementaires de leur territoire pour leur expliquer l’état de la situation. Il s’agit de faire preuve de pédagogie et de porter quelques messages clairs et efficaces (cf. l’Appel de Strasbourg du 7 juillet 2022) pour qu’ils puissent les relayer et, lors des débats au Parlement, voter en connaissance de cause.
Testons cette nouvelle façon de procéder : il y a pire que d’échouer, c’est de ne pas essayer !
Pascal Boulanger,
Président de la FPI France