Un travers français
Il est coutume de dire que la France est un pays de 68 millions de sélectionneurs. Chacun d’entre nous se croit apte à composer une meilleure équipe de France que Didier Deschamps.
Dans le domaine sportif, les risques sont – heureusement – limités.
Dans le domaine de l’immobilier, le même travers s’applique. Chaque jour, ou presque, un politique, un haut fonctionnaire ou un commentateur professionnel explique à notre profession ce que nous devons faire.
J’entends fréquemment que les acteurs de l’immobilier doivent se remettre en cause. Ils sont souvent invités « à innover pour imaginer de nouvelles formes d’habiter ».
Ces injonctions m’interpellent à deux titres.
Elles ignorent tous les efforts d’ores et déjà entrepris par notre profession pour s’adapter, évoluer, innover et répondre aux enjeux de demain. La meilleure réponse que nous puissions apporter est le succès du concours des Pyramides d’Or de la FPI qui se confirme d’année en année : 620 opérations exemplaires ont candidaté en 2023, 124 ont déjà été distinguées en régions. Les 9 lauréats nationaux seront connus le 19 décembre.
Certes nous pouvons toujours faire mieux. Nous nous y employons tous car c’est dans notre nature et, soyons objectifs, nous y sommes aussi parfois poussés par une génération enthousiasmante qui monte en puissance progressivement.
Surtout, je regrette que nos détracteurs s’arrêtent à mi-chemin en ne formulant que des recommandations. Les actions de leur part sont rares.
Une telle attitude, typiquement française, produit du dissensus plutôt que du consensus et, de ce fait, aboutit à l’inaction. Cela a été théorisé dans le triangle de l’inaction : 3 camps en présence (les entreprises, les pouvoirs publics, les individus) expliquant que c’est la faute des deux autres camps si rien ne bouge. Pointer du doigt les deux autres angles du triangle, c’est surtout se dédouaner de ses propres responsabilités en rejetant la faute sur les autres.
Un exemple parmi d’autres. Certaines agences de l’État avancent le chiffre de 250 000 logements neufs à produire par an pour répondre aux besoins de la population, alors qu’il en faudrait entre 450 000 et 520 000 (toutes les études très récentes le démontrent). L’explication d’un tel écart tient dans la remise sur le marché de logements vacants qui, pour l’essentiel, sont situés dans la diagonale du vide, théorisée de longue date par les géographes.
Ces agences considèrent que la crise du logement peut se résoudre en incitant à la fois les Français à s’installer là où il y a beaucoup de logements vacants et les entreprises à se relocaliser dans ces territoires. Or, l’attractivité territoriale ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas, avec l’ensemble des acteurs économiques, des élus et toutes les bonnes volontés. Mais la réussite n’est pas toujours au rendez-vous, tant les paramètres sont nombreux (aménités, mobilités, infrastructures…)
Pour sortir du triangle de l’inaction, peut-être conviendrait-il que l’État montre la voie et décide de délocaliser ses ministères dans ces territoires.
Je ne peux que conseiller à la Première ministre d’encourager l’installation du ministère des Finances à Guéret (département de la Creuse), de demander au ministère du Logement d’aller à Auch (département du Gers), d’imposer au ministère de la Transition Écologique de se délocaliser à Saint-Dizier (département de la Haute-Marne) ou encore au ministère des Affaires étrangères de se déplacer à Ussel (département de la Corrèze). Ils y seraient accueillis à bras ouverts.
A vos camions de déménagement. Prêts ? Partez….
Pascal Boulanger, Président FPI France