Sueurs froides
Sans aucun signe avant-coureur, un amendement qui prévoit la fin du dispositif d’investissement locatif Pinel pour le 31 décembre 2023 au lieu du 31 décembre 2024 a été déposé, vendredi dernier, par trois députés de la majorité présidentielle.
Cela sans aucune concertation préalable, sans échanges ni débats avec la fédération des promoteurs immobiliers.
Cette mauvaise manière faite aux professionnels de l’acte de construire illustre de façon magistrale le niveau de méconnaissance qu’ont certains parlementaires du monde économique. Il ne leur est pas venu à l’esprit un seul instant que changer les modalités de mise en œuvre d’un dispositif fiscal à peine 6 mois après sa dernière modification était fortement préjudiciable au besoin vital de stabilité des entreprises.
Cette méconnaissance de nos contraintes est extrêmement grave et peut entraîner des conséquences catastrophiques.
Sans demander un traitement de faveur, une meilleure prise en compte de la spécificité de notre condition d’entrepreneurs serait la bienvenue.
La prise de risque, consubstantielle au métier de promoteur, n’est pas comprise, car très particulière, voire unique. À chaque opération, nous prenons le risque de tout perdre. À chaque fois, c’est notre existence, en tant qu’entrepreneurs, qui est mise en danger. Je ne connais pas d’autres professions soumises à un tel niveau de stress.
Qui ne s’est jamais réveillé au moins une fois dans sa vie en sursaut avec des sueurs froides qui coulent le long du dos, assaillis de multiples questions avant même le lever du soleil : « vais-je pouvoir payer mes salariés à la fin du mois ? » - « vais-je trouver les financements nécessaires ? » - « le marché n’est-il pas en train de se retourner ? » - « ma trésorerie va-t-elle tenir le choc ? »
De cela, nombre de nos parlementaires et de nos dirigeants politiques n’en ont absolument pas conscience. Pour le comprendre, il faut le vivre.
C’est regrettable.
La conséquence de cette méconnaissance aboutit à des décisions qui ne valorisent pas les multiples risques que nous prenons.
Ainsi, j’ai encore pu constater dernièrement le retour d’une idée ancienne consistant à partager la richesse créée par une entreprise en trois parties égales : un tiers serait versé à l’Etat, un tiers aux salariés (via un mécanisme de participation) et le dernier tiers pour l’entrepreneur.
Loin d’être anecdotique, cette approche égalitaire entre des acteurs qui ne prennent pas les mêmes risques est le meilleur moyen de décourager l’esprit d’entreprise. C’est une insulte faite à notre audace, en considérant qu’elle n’a aucune valeur.
A l’instar de l’amendement déposé contre le Pinel, le fossé qui existe entre le monde économique et les politiques ne se comble toujours pas.
Pascal Boulanger, Président de la FPI France