Nationale

Editorial du Président

On se réveille quand ?

Une étude de l’Insee publiée la semaine dernière vient de jeter un nouveau pavé dans la mare : la pauvreté progresse en France et a atteint, en 2023, le seuil de 15,4 % de pauvres en France, en augmentation significative par rapport à 2022 (14,4 %), et le niveau le plus élevé depuis que la série statistique a été créée en 1996.

Et pourtant, souvenons-nous. En 1982, l’impôt sur les grandes fortunes (IGF) avait été instauré dans un but de solidarité nationale. Il s’agissait de taxer les patrimoines les plus élevés pour participer au financement de l’État, à la redistribution des richesses et à la justice sociale. Quarante-quatre ans plus tard, quel est le constat ? La pauvreté augmente, les classes moyennes s’effondrent, et les politiques redistributives patinent.

On se réveille quand ?

Pendant que la plupart des pays européens engagent lucidement le débat sur l’allongement de la durée de vie active – certains allant jusqu’à fixer l’âge légal de départ à la retraite à 67 voire 70 ans – la France bataille encore pour savoir si l’on doit revenir à 62 ans. Le déni, toujours. Le court-termisme, encore.

Et pendant ce temps-là, les déficits se creusent, les entreprises trinquent, l’emploi recule.

On se réveille quand ?

Le Premier ministre a, lors de la présentation des grandes lignes du projet de budget pour 2026, dressé un constat sans appel de la situation économique de la France et présenté des mesures, certes encore insuffisantes, pour relancer la production. Malheureusement, alors que tous nos dirigeants politiques devraient faire preuve de sens des responsabilités, leur seul sujet de préoccupation est l’élection présidentielle de 2027. Dans ce contexte, ils ne peuvent accepter une seule des mesures présentées. Ce serait, d’après eux, se disqualifier pour 2027. Chacun joue sa partition sans jamais oser nommer la réalité.

Le pays s’endette, les services publics se dégradent, et plus personne n’ose dire les choses.

On se réveille quand ?

Certes, le Premier ministre a ouvert une voie en évoquant la simplification et la réduction du nombre d’agences publiques. Mais j’en attendais plus, bien plus. Ce moment exigeait de faire preuve de radicalité. Car comment prétendre gagner en efficacité économique quand notre pays croule sous les strates administratives ? Communes, intercommunalités, métropoles, départements, régions : cette superposition ralentit l’action, dilue les responsabilités, complique chaque projet. Même constat pour les agences de l’État, dont beaucoup auraient vocation à disparaître. Et que dire de l’audiovisuel public ? Combien de chaînes de télévision publiques, combien de stations de radio publiques faut-il pour informer un pays ? Enfin, 35 000 communes, c’est 35 000 maires… Dans un monde où tout s’accélère, peut-on sérieusement espérer avancer, réagir, décider, avec une telle profusion d’échelons, d’organismes, d’élus ?

On se réveille quand ?

Le Premier ministre l’a dit également : les prélèvements obligatoires en France sont parmi les plus élevés au monde. Et pourtant, nos services publics se dégradent régulièrement. Les hôpitaux souffrent. Le niveau scolaire baisse inexorablement. Les derniers résultats des évaluations internationales (PISA 2022, 2023) situent la France autour de la 22e et 23e places sur les pays de l’OCDE en lecture, mathématiques et sciences ! Désastreux !

On continue à parler de redistribution, de hausses d’impôts, sans jamais se poser la question de l’efficience de ces prélèvements.

On se réveille quand ?

La France a perdu ses leaders industriels dans des secteurs entiers : textile, sidérurgie, machines-outils, télécommunications, motos, électronique… Tous ces fleurons existaient à une époque où notre pays était puissant, dans une Europe encore peu intégrée, et dans un monde où la mondialisation n’avait pas encore bouleversé les règles du jeu. Aujourd’hui, la compétition est mondiale, brutale, et nos adversaires sont puissants, organisés, déterminés. Et pourtant, nous continuons à nous comporter comme si nous étions seuls au monde, comme si la France pouvait encore dicter ses propres règles sans se confronter au réel. L’âge de départ à la retraite ? L’un des plus précoces d’Europe. Les prélèvements obligatoires ? Les plus élevés du monde développé. L’effort de production ? Un angle mort du débat politique.

Je le dis avec gravité, mais avec détermination. Oui, je sors de mon rôle de président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, mais que vaut cette responsabilité si je me tais alors que nous sommes à un moment crucial de la vie de notre pays et que la menace de censure du gouvernement risque de nous faire perdre le temps que nous n’avons plus. Soit on se ressaisit, soit on disparaît.  

Alors je le redis, avec insistance : On se réveille quand ?

Pascal Boulanger, président FPI