Nationale

Editorial du Président

Réinculquer la notion de risque

Le Conseil national de la refondation dédié au logement a été lancé lundi dernier par Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Olivier Klein, ministre en charge de la ville et du logement.

Ce conseil est une traduction de notre appel à la mise en œuvre d’une stratégie nationale du logement lancé en juillet lors du Congrès de la FPI. Sans préjuger des conclusions qui n’interviendront que dans quelques mois, nous pouvons néanmoins constater que, à ce stade, nous avons été entendus sur l’urgence à proposer collectivement des solutions à la crise du logement : à force de taper sur un clou…

Sans surprise, les observations et remarques formulées, notamment par les associations de locataires ou les représentants des bailleurs sociaux, se sont focalisées sur une demande croissante d’intervention de l’Etat et sur une augmentation des aides publiques.

En les écoutant, je me suis souvenu d’un arrêt très célèbre de 1921, connu sous le nom de « bac d’Eloka » qui introduit la distinction, dans le cas des services publics industriels et commerciaux, entre les activités « naturelles » et les activités « accidentelles » de l’Etat. Ces dernières, parce que nul particulier ne s’en est chargé et qu’il importe de les assurer dans un intérêt général, ne peuvent être entreprises par l’Etat qu’occasionnellement, l’occasionnel devient souvent définitif.

Cet arrêt qui demeure l’un des plus important de l’histoire de la jurisprudence administrative par les principes qu’il pose, a malheureusement perdu toute valeur dans son application concrète.

Les activités « accidentelles » de l’Etat se sont multipliées au fil du temps dans tous les domaines, d’abord en direct puis à travers de très nombreuses agences ou dans le cadre de contractualisations avec des entreprises privées.

Ce phénomène s’explique par le fait que nos concitoyens attendent toujours plus de l’Etat. Celui-ci, pour assurer une certaine forme de paix sociale, se soumet à leurs demandes, même si elles ne sont pas économiquement viables.

Je ne conteste pas la nécessité pour l’Etat de suppléer aux déficiences du marché. Mais l’Etat devrait avoir « la main qui tremble » à chaque fois qu’il le fait et le faire de façon parcimonieuse.

Pour cela, il conviendrait d’inverser la charge de la preuve. On pourrait se poser la question de savoir si, lorsqu’un service n’est pas équilibré financièrement, est-ce parce que les Français n’ont vraiment pas les moyens d’en payer le vrai prix ou est-ce simplement qu’ils n’en ont pas envie ? Si tel est le cas, le service en question peut être considéré comme inutile à la collectivité et ne devrait pas être assuré, sinon tout peut devenir service public.

Cette question simple n’est jamais posée. En conséquence, l’Etat, pris dans une multitude de services, n’est plus aujourd’hui en capacité d’assurer avec efficacité ses missions régaliennes historiques (école, sécurité, justice, santé…). Qui trop embrasse mal étreint.

À ce titre, je suis en opposition avec le think tank Terra Nova qui, actant la multiplication des interventions de l’Etat, préconise d’inventer une palette de modes d’action qui permettent au pouvoir politique de répondre présent dans tous les domaines. Pour ce think tank, la question n’est pas de mettre un coup d’arrêt à cette tendance mais d’inventer de nouveaux modèles pour continuer à la satisfaire.

Mon approche est radicalement différente. Il est nécessaire, plus que jamais, de restaurer la culture du risque dans notre société, d’accepter le principe de juste rémunération du risque, et de libérer les énergies créatrices. Une société qui accepte le risque cessera, de fait, de demander de nouveaux services et de nouvelles protections, toujours plus coûteuses et réalisées, parfois mal, au détriment des vrais besoins.

Pascal Boulanger, Président de la FPI France