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Projet de loi 4D: un pas de plus vers la décentralisation ?

Le projet de loi 4D pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification devrait entamer son parcours d’examen législatif d’ici l’été.

Annoncé à l’issue de la crise des gilets jaunes au printemps 2019 par le Président de la République, « un nouvel acte de décentralisation » est mis en chantier. En charge du dossier, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités locales, a engagé un travail de terrain en se rendant à la rencontre des élus locaux.

Initialement intitulé projet de loi 3D pour décentralisation, différenciation et déconcentration, la concertation avec les élus a conduit à rajouter le 4ème D pour décomplexification.

Après une période de doute sur son inscription au calendrier parlementaire et pour certainement donner des gages de bonne volonté dans la perspective des prochaines élections régionales et départementales, le Premier Ministre a confirmé son examen lors d’un déplacement en février dernier ; le projet de loi devrait être présenté au conseil des Ministres pour un examen en première lecture au Sénat ensuite.

A ce stade, ce projet de loi n’est pas inscrit dans le calendrier parlementaire.

Ce projet de loi, structuré en 3 titres - la différenciation, la transition écologique, l’urbanisme et le logement -, se donne pour objectif de proposer aux collectivités territoriales plus de responsabilités pour qu’elles puissent prendre des mesures mieux adaptées à leurs situations territoriales.

Dans ce sens, il aborde de nombreux points dont voici quelques exemples :

  • Différenciation : inscription de nouveaux outils permettant aux collectivités territoriales de déléguer des compétences (à une collectivité d’une autre catégorie) pour réaliser des projets spécifiques.
  • Transports : transfert des voies nationales aux départements.
  • Logement : poursuite de la loi SRU (cf. ci-après) et renforcement du rôle des EPCI dans les conférences intercommunales d’attributions des logements.
  • Urbanisme : ORT et GOU (cf. ci-après) et poursuite de l’expérimentation sur l’encadrement des loyers.
  • Santé et cohésion sociale : transformation du conseil de surveillance des ARS en conseil d’administration (avec renforcement de la présence des collectivités) et mesures techniques.
  • Gestion RH : notamment pour les établissements publics locaux d’enseignement.
  • Déconcentration : renforcement du pouvoir du préfet en tant que coordonnateur de l’intervention de l’Etat dans les territoires.
  • Simplification de l’action publique locale : avec notamment le partage des données entre administrations pour simplifier les démarches des usagers, le contrôle des entreprises publiques locales et quelques mesures dans le domaine de l’environnement.
  • Outre-mer : une expérimentation pour cinq ans d’un état de calamité naturelle exceptionnelle et des mesures spécifiques.

Sur le volet logement

Le projet de loi introduit des dispositions pour la poursuite des quotas de logements sociaux au-delà de 2025 et le maintien de l’ambition inscrite dans la loi SRU.

Voici quelques dispositions que l’article 14 propose :

Améliorer le mécanisme d’exemption de communes des obligations SRU.

  • Ainsi le critère « de mauvaise connexion aux bassins de vie et d’emploi, du fait d’une qualité insuffisante de la desserte en transports en commun » est réécrit pour intégrer les déplacements automobiles, il deviendrait : « isolement ou accès difficile aux bassins de vie et d’emplois ».
  • L’exemption au titre de l’appartenance à un territoire détendu qui visait précédemment les unités urbaines de plus de 30 000 habitants non tendues serait élargi aux EPCI et agglomérations de plus de 50 000 habitants avec une commune de plus de 15 000 habitants faiblement tendus.

Poursuivre jusqu’en 2031, l’application du dispositif de rattrapage pour atteindre un taux de logement social légal (20 ou 25% selon la tension locative). Le rythme de référence serait de 33%[1] mais il pourrait être modulé à 50 % ou 100 % à mesure que la commune s’approche du taux cible (pour éviter la décélération de la production), en laissant la possibilité au préfet de département d’accroître le rythme de rattrapage au-delà de ces taux référence, après avis du maire.

Instaurer les contrats de mixité sociale entre une commune, l’EPCI d’appartenance et l’Etat. Ce nouveau cadre d’engagement et de moyens permettrait de déterminer pour les périodes triennales qu’il couvre, les objectifs de réalisations de logements sociaux, les engagements pris en matière d’action foncière, d’urbanisme, de programmation, de financement des logements sociaux et ceux rentrant dans le décompte SRU et d’attributions de logements locatifs aux publics prioritaires.

Renforcer les sanctions financières en instaurant un taux plancher :

« Le taux de majoration du prélèvement ne peut être inférieur au rapport entre le nombre des logements sociaux non réalisés et l'objectif total de logements mentionné au I de l'article L. 302-8. En cas de carence constatée au titre de deux périodes triennales consécutives, le taux de majoration du prélèvement ne peut être inférieur à 100%. »

Concernant le volet urbanisme, les opérations de revitalisation des territoires (ORT), outils mobilisés pour le plan Action Cœur de ville, mais ouvertes à toutes les communes, pourront désormais être conclues sur le périmètre d’une ou de plusieurs communes, mais sans intégrer la ville principale de la métropole, lorsque celles-ci présentent une situation de discontinuité territoriale ou d’éloignement par rapport à la ville principale de la métropole, tout en ayant une fonction de centralité (article 17).

Dans les ORT, et dans les grandes opérations d’urbanisme (GOU), le délai d’acquisition des biens sans maître serait modifié, il passerait de 30 ans à 10 ans (article 18).

Les organismes fonciers solidaires (OFS), qui visent à construire des logements en dissociant la propriété du sol et du bâti, verraient leur rôle renforcé : ils pourraient assurer la gestion de logements à destination de ménages intermédiaires, de locaux d’activité à usage professionnel ou commercial sous réserve d’un objectif de mixité sociale et de mixité fonctionnelle.

Enfin l’article 21 revient sur les projets partenariaux d’aménagement (PPA), créés par la loi Elan : un permis d’aménager multisites pourrait être utilisé dans ce cadre à condition que l’opération d’aménagement garantisse l’unité architecturale et paysagère des sites concernés et s’inscrive dans le respect des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) du plan local d’urbanisme. Des modifications sont également apportées à la grande opération d’urbanisme (GOU) comme la possibilité d’accorder des dérogations aux règles de gabarit, de stationnement et de densité pour l’autorité qui délivre les autorisations d’urbanisme.

Les réactions des associations d’élus sont diverses : si France Urbaine se félicite de l’inscription du texte, l’APVF (Association des Petites Villes de France) le souhaiterait plus complet : le texte de loi ne peut être qu’une étape et ce projet de loi devra être « musclé » et être plus ambitieux ". L’AMF est plus mitigée, elle titre son article en ligne sur son site : " projet de loi 4D : une ambition minimale en matière de décentralisation. "

 

[1] Par période triennale calculé sur le nombre de logements sociaux à réaliser pour atteindre l’objectif légal.

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