Lutter contre la décroissance en ayant une approche raisonnée
L’article 301 de la loi climat et résilience prévoit l’élaboration, d’ici le 1er janvier 2023, pour chaque secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, dont le bâtiment, d’une feuille de route qui doit définir les actions à mettre en œuvre par chacun des acteurs de l’acte de construire pour atteindre les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre fixés par la loi.
Ces travaux, menés conjointement par les représentants des filières économiques, dont la fédération des promoteurs immobiliers, et les services du Ministère de la Transition Ecologique, ont débuté cette semaine. Les grandes manœuvres sont lancées et l’impact pour notre profession dans les années à venir peut être considérable si nous n’y prêtons garde et si nous ne portons pas une vision globale de la problématique du logement.
En effet, préalablement à ces travaux, des scénarios prospectifs d’évolution du rythme de la construction de logements neufs ont été présentés. Deux d’entre eux ont été privilégiés. Ils aboutissent, l’un comme l’autre, à une chute drastique de la construction. Le plus restrictif prévoit une baisse de l’ordre de 60% de la production actuelle, pour atteindre, à terme, 150 000 logements neufs par an.
De tels scénarios « déclinistes » » sont bien évidemment aussi inacceptables qu’infondés pour la fédération des promoteurs immobiliers. En aucun cas nous ne cautionnerons de telles hypothèses décroissantes et déconnectées de la réalité des besoins, ne serait-ce qu’au regard de la croissance des ménages.
Au contraire, à chacune des réunions, nous demanderons avec force qu’une démarche équilibrée et raisonnée soit enclenchée. Je porterai également ce discours auprès du prochain gouvernement.
Démarche équilibrée car le logement ne peut être abordé selon le seul prisme de son impact, que nous ne contestons pas, sur le réchauffement climatique. Sa dimension sociale, voire sociétale est tout aussi importante. Un logement, avant d’être un objet producteur de gaz à effet de serre, est un lieu de vie, un espace protecteur où chacun peut construire son avenir. L’oublier, c’est organiser de façon méthodique, sous couvert de décarboner la filière, une crise majeure du logement et prendre la responsabilité de la résurgence des « gilets jaunes », sans doute de manière exacerbée.
En effet, les évaluations des besoins qui sous-tendent ces travaux méconnaissent à la fois les dynamiques de besoin en logements qui s’expriment à l’échelle des bassins de vie et d’emploi mais aussi les éléments clefs de constitution du besoin en logement : la résorption de l’habitat indigne, les dynamiques de vieillissement et la lutte contre le mal-logement. Je rappelle fréquemment qu’il manque actuellement un million de logements pour répondre à ces problématiques. La seule rénovation de l’existant, même massive, n’épuisera pas le sujet, loin de là.
Démarche raisonnée ensuite car les bâtiments de logements collectifs ne doivent pas être appréhendés comme des objets isolés mais au contraire comme partie prenante d’un écosystème global, celui de la ville. Avec la densification des villes, il sera possible, grâce à des économies d’échelle, de mettre en œuvre des interconnexions entre systèmes énergétiques, ceux des bâtiments et ceux de la ville (bâtiments à neutralité carbone et énergétique voire à énergie positive venant alimenter le reste de la ville), de développer la circularité des matériaux (réemploi, gestion de l’eau), voire d’augmenter la biodiversité.
Si nous nous en donnons collectivement les moyens, en faisant notamment preuve de pragmatisme, en abordant de façon globale les problématiques de l’habitat et en défendant résolument la ville dense, le logement collectif neuf peut, au-delà de son rôle social fondamental que certaines élites semblent oublier, être un atout et non un handicap dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Pascal Boulanger
Président de la FPI France