Logement : redéfinissons les fondamentaux dans une démarche gagnant-gagnant
Le logement est un objet paradoxal, à la fois technique et politique.
Technique et complexe, soumis à la fois aux dispositions du code de la construction et de l’habitation, du code de l’urbanisme, du code de l’environnement…
Politique car il renvoie aux préoccupations quotidiennes des Français (pouvoir d’achat) et aux grandes questions fondamentales qui traversent notre société (cohésion sociale, transition écologique).
Cette dualité conduit de facto à l’instauration d’un rapport de force entre la technostructure (les administrations centrales et déconcentrées, les services instructeurs des collectivités locales, les agences gouvernementales telles que l’ADEME) et les politiques (élus locaux ou nationaux). Et malheureusement de nombreux indices montrent que celui-ci tourne à l’avantage des premiers.
Un exemple parmi d’autres. Les travaux d’élaboration de la feuille de route de décarbonation de l’économie française menés dans le cadre de la préparation de la future loi Energie Climat, prévue pour 2023, se font sur la base de scénarios dont la plupart prévoient un niveau de production de logements neufs particulièrement faible, de l’ordre de 145 000 logements neufs par an.
Bien évidemment, nous nous employons, avec d’autres fédérations, à orienter ces travaux avec des arguments documentés et chiffrés de manière incontestable, afin d’éviter qu’une feuille de route, construite sur des bases parfois teintées d’idéologie, ne soit présentée au Parlement. Nous savons bien que les parlementaires légifèrent bien souvent dans l’urgence et sont parfois conduits à « croire sur parole » les recommandations issues des ministères.
Le seul moyen efficace pour contrer l’influence grandissante de la technostructure est de simplifier l’acte de construire : moins de normes pour plus de logements. Il suffit parfois de quelques règles simples, répondant aux enjeux environnementaux mais aussi sociétaux, pour libérer l’acte de construire.
J’en veux pour preuve l’impulsion politique forte prise il y a quelques années par les élus d’une station de montagne pour permettre la rénovation du parc de logements vieillissants de leur commune. Il aura suffi d’une seule mesure, l’inscription dans le PLU de l’autorisation de construire deux étages de plus pour tous les immeubles de logements, pour transformer radicalement le visage de la station et lui rendre tout son lustre.
Cette mesure simple et efficace, assumée pleinement par les élus, a permis aux professionnels de l’immobilier de trouver toutes les solutions possibles pour construire les m2 de logements supplémentaires dans des immeubles d’habitation et pour les rénover grâce aux gains liés à cette nouvelle constructibilité. Dans ce cas, l’acte de construire, nécessaire (réhabilitation du parc existant), utile (offrir plus de logements) et noble (embellissement de la station), trouve tout son sens.
Cette mesure est en outre vertueuse dans le cadre de la sobriété foncière introduit par le zéro artificialisation nette : pas un seul m2 de foncier consommé. Tout le monde y trouve son compte. Les élus qui voient l’image de leur commune s’améliorer, les habitants qui trouvent à se loger, les promoteurs qui peuvent construire sans avoir besoin d’acheter le foncier car ils payent en travaux d’embellissement. C’est, dans le cas d’espèce, une démarche gagnant-gagnant.
Si nous voulons éviter la crise du logement qui s’installe durablement, un sursaut de la classe politique est indispensable. Il lui appartient de s’engager résolument dans une démarche de simplification de l’acte de construire au travers de mesures simples et efficaces.
Ce n’est qu’à ce titre que les politiques pourront à nouveau reprendre le dessus face à une technostructure qui impose trop souvent ses choix sans être challengée ni confrontée aux réalités du terrain. Chacun pourra ainsi jouer pleinement et totalement son rôle. Les élus pourront construire, porter et assumer de véritables politiques territoriales en étant débarrassés du carcan normatif. Les promoteurs immobiliers pourront encore davantage démontrer leurs capacités d’innovation et faire preuve d’agilité. Les services instructeurs, maîtrisant mieux les normes restantes, pourront jouer un vrai rôle de conseil. Tous les acteurs y gagneront.
Pascal Boulanger, Président de la FPI France