Nationale

Editorial du Président

Libérer l’acte de construire

La Chine travaille, l’Allemagne exporte, les Etats-Unis inventent.

Quid de la France ? Elle se contente, en tout cas dans le domaine de l’immobilier résidentiel et d’entreprise, de produire et d’inventer des normes, rien que des normes, toujours plus de normes. Après une année riche en production réglementaire (RE 2020, Pinel +, voire les douches à l’italienne sans ressaut arbitrées au plus haut sommet de l’Etat…), il semblerait légitime de mettre la créativité normative en pause. Malheureusement, on assiste en ce début d’année à un concours Lépine des exigences les plus tatillonnes voire absurdes en matière d’immobilier.

Tout récemment, un amendement visant « à imposer la création de vestiaires et douches lors de la construction de bureaux » a été adopté par la commission de la Culture du Sénat lors de l’examen d’une proposition de loi visant à démocratiser le sport. Nonobstant le fait que rares sont les immeubles de bureau de création récente qui ne prévoient pas déjà des douches et vestiaires, ne peut-on pas laisser les investisseurs libres de définir leurs besoins, plutôt que de choisir de se substituer à eux. Quelle sera la prochaine étape : un décret d’application prévoyant la taille minimale et la couleur des carreaux de douches ?

En outre, j’ai beau chercher, je n’ai pas trouvé la norme qui, comme l’avait promis avec force Julien Denormandie, alors ministre du logement, va être supprimée en contrepartie.

Ce sport national de la norme est malheureusement partagé par tous nos représentants : tantôt l’exécutif, tantôt les parlementaires mais aussi les élus locaux, maires ou présidents d’établissements publics de coopération intercommunale.

L’exemple des chartes, et leur prolifération, est à ce titre particulièrement illustratif.

On assiste à un paroxysme de la norme, sous toutes ses formes. Un décret n’est pas encore publié qu’il est déjà dépassé par de nouvelles normes locales. Ainsi le projet de décret Pinel +, qui prévoit des tailles de logements minimales, doit sans doute être jugé encore trop permissif par certains élus locaux puisque des chartes imposent déjà des surfaces minimales non par logement, mais pour chacune des pièces qui le compose.

Je m’interroge sur le fondement d’une telle hyperactivité normative. Une passion triste aurait-elle atteint nos élus les poussant à freiner toute construction neuve par l’invention, jusqu’à l’overdose, de prescriptions irréalistes.

La France est-elle devenue une économie sur-administrée qui veut que tout doit être régi par des réglementations, empêchant ainsi toute innovation et tuant dans l’œuf toute initiative ?

Je n’ai malheureusement pas la réponse. Mais il me semble urgent d’instaurer un moratoire sur la production des normes si l’on ne veut pas courir à la catastrophe et atteindre un niveau de production de logements désastreux.

Ce moratoire existe avec les certificats de projet votés dans la loi climat et résilience ou les certificats d’urbanisme qui figent pendant 18 mois l’ensemble des règles applicables à un projet.

Le moratoire normatif est d’autant plus indispensable que l’heure est au redressement de notre pays à la suite de la crise sanitaire qui a mis à l’arrêt l’économie française pendant de long mois. J’appelle nos élus locaux et nationaux ainsi que l’exécutif à ne pas se tromper de combat : il faut accompagner les acteurs économiques et non leur mettre continuellement des bâtons dans les roues. Il faut libérer l’acte de construire et non le brider.  

 

Pascal Boulanger, Président FPI France