Nationale

Editorial du Président

Le temps long des mutations

Cette semaine, Qualitel a rendu public son baromètre annuel 2021 sur la perception de la qualité des logements par ceux qui les occupent. Cette étude fait cette année un focus particulier sur le logement « durable ». Les résultats sont intéressants parce qu’ils montrent le décalage entre les représentations des décideurs publics et celles des français.

A la question des critères de définition d’un logement durable, les français répondent massivement et en premier lieu « un logement qui consomme peu d’énergie » et « un logement équipé d’une isolation thermique performante » (pas sûr, au passage, que les 2,70 m de hauteur sous plafond du « référentiel qualité » soient des gages d’économies d’énergie …).

Inversement, les aspects du développement durable les plus récemment mis en avant par les pouvoirs publics apparaissent beaucoup plus en retrait : préservation de la biodiversité, utilisation de matériaux biosourcés, connexion avec les transports en commun etc.


On peut en tirer deux leçons :

  • contrairement à beaucoup d’acteurs de notre écosystème, les français n’oublient pas l’aspect économique du logement : ils veulent bien du vert, mais du vert générateur d’économies et qui ne renchérit pas leur achat ;
  • il aura fallu deux ou trois décennies pour que le lien « durabilité / économies d’énergie » s’impose à l’esprit de tous comme une évidence. Les mentalités changent, les références s’ajustent, les idées nouvelles prospèrent, mais au rythme des mutations sociales, c’est-à-dire lentement.

Ces résultats doivent nous servir de leçon, à l’heure où les pouvoirs publics multiplient les chantiers pour pousser notre secteur vers la neutralité carbone et pour le mettre au service de la lutte contre le changement climatique (ZAN, RE 2020, responsabilité élargie des producteurs REP etc.) :

  • dans un pays qui n’occupe que le 30ème rang dans le classement des pays les plus riches par habitant, il faut proportionner nos ambitions aux capacités financières de nos concitoyens : un logement vert inabordable ne ferait qu’aggraver les fractures sociales et territoriales ;
  • il faut beaucoup de pédagogie et probablement beaucoup de temps pour que tous s’approprient ces notions complexes, du côté des professionnels comme des clients : ce n’est pas demain que « l’analyse de cycle de vie » deviendra un argument de vente !

Notre secteur doit bien sûr contribuer à la lutte contre le changement climatique et, égoïstement, il y a même intérêt. Mais une fois qu’on a écrit cet objectif dans la loi et dans des normes, le plus difficile reste à faire : emmener la société avec nous.

Le Baromètre Qualitel montre qu’il faudra s’armer de patience ! Et qu’il faudra rester pragmatiques, tant le mieux peut aussi être l’ennemi du bien : prenons garde qu’à force de surenchère sur le neuf, nous ayons des logements parfaits, mais… pas construits, parce que pas achetés.

  

Pascal Boulanger

Président de la FPI France