Le politique doit reprendre sa place
D’une pierre, deux coups.
Depuis le 1er janvier 2022, tous nos nouveaux projets répondent aux enjeux environnementaux fixés par la réglementation environnementale RE 2020.
Parallèlement, les établissements financiers, fortement incités par la taxonomie européenne, vont se montrer de plus en plus exigeants lorsqu’ils apporteront des financements aux promoteurs immobiliers. En effet ils auront prochainement l’obligation, dans le cadre de leur reporting auprès des autorités financières, de justifier le financement d’activités contribuant à l’atténuation du changement climatique.
En général, lorsque deux réglementations différentes portent sur le même objet et s’appliquent aux mêmes destinataires, le risque est grand qu’elles ne soient pas conciliables. C’est ainsi qu’il y a souvent des contradictions entre droit de l’urbanisme et droit de l’environnement.
Par chance, mais aussi et surtout parce que nous avons fait preuve de pédagogie auprès des pouvoirs publics, ce risque a été évité.
Les seuils fixés dans la RE 2020, réglementation la plus exigeante d’Europe, voire du monde, ont été reconnus, comme nous le demandions, compatibles avec ceux de la taxonomie. Les services du ministère de la transition écologique viennent de confirmer, en accord avec la Commission européenne, que le respect des exigences de la RE 2020 conduit à respecter automatiquement le seuil de demande d’énergie primaire pris en compte dans la taxonomie, lequel doit être inférieur d’au moins 10% du niveau N-ZEB (« N-ZEB – 10% »).
C’est une véritable bouffée d’oxygène pour notre profession : pendant quelques temps, nos interlocuteurs des agences de l’Etat ont, une fois de plus, surinterprété la norme en considérant qu’il fallait également diminuer les seuils de la RE 2020 de 10% pour être compatible avec la taxonomie.
Ce danger écarté, un autre se profile, plus insidieux et plus difficile à combattre.
Des groupes de travail pilotés par l’Etat, chargés de définir les contours de la feuille de route de décarbonation de la filière bâtiment, en application de l’article 301 de la loi Climat & Résilience, poussent l’idée d’instaurer une sobriété immobilière et solidaire qui passe notamment par la réduction du nombre de m2 immobiliers par habitant.
Au-delà du caractère ironique de cette proposition (n’oublions pas que les conclusions du rapport Girometti-Leclerc militaient, a contrario, pour l’augmentation de la superficie des logements), sa transposition concrète aboutit à des mesures très inquiétantes.
Ainsi, il est suggéré de lutter contre l’attachement des propriétaires à leur logement historique. Les évolutions familiales (départ des enfants, séparation, décès du conjoint) ayant pour conséquence d’augmenter le nombre de m2 habités, il serait nécessaire, pour les auteurs de ces propositions, d’inciter fortement les propriétaires à quitter leur logement pour aller en habiter un plus petit.
Autre préconisation : majorer encore et toujours la taxe d'habitation pour les résidences secondaires et les logements vacants afin de pousser leur transformation et occupation en résidences principales.
A bas bruit, l’Etat viendrait donc nous dicter nos modes de vie. Plus grave, il définirait finalement le bon citoyen, celui qui obéirait aux injonctions du moment, toujours plus excessives, au détriment de ses propres aspirations.
L’enjeu de la transition écologique prend progressivement le pas sur les enjeux sociaux, alors que les deux devraient être traités concomitamment et se nourrir mutuellement.
C’est le message que nous répétons régulièrement. Je veux croire que les parlementaires, en votant la loi Climat & résilience, portaient également ces enjeux indissociables. Il ne faudrait pas qu’une fois encore, sous l’impulsion de services de l’Etat trop souvent en roue libre et sans contrôle politique, un article de loi aille bien au-delà de la volonté exprimée par le législateur au moment de son vote.
Je suis persuadé qu’oublier la dimension sociétale et la place du bonheur dans les enjeux de transition écologique conduirait notre pays vers un nouveau phénomène « gilet jaune », encore plus violent que le précédent car profondément liberticide.
Nos philosophes du siècle des Lumières et nos législateurs des grandes libertés publiques de la IIIème République nous manquent.
Pascal Boulanger
Président FPI France