Nationale

Editorial du Président

La vraie vie

Cette semaine s’est déroulé le traditionnel et incontournable salon du Mipim à Cannes où l’ensemble des professionnels de l’immobilier ont pu se retrouver, partager leurs projets mais aussi malheureusement des inquiétudes grandissantes, conséquences du conflit en Ukraine. J’ai conscience que nos enjeux économiques ne sont rien au regard des vies humaines sacrifiées à nos portes mais notre responsabilité d’entrepreneur est de maintenir l’activité et l’emploi pour ne pas ajouter une crise économique à une crise géopolitique.

Je veux donc vous parler cette semaine de la vraie vie. Ma visite, la semaine dernière, au salon de l’immobilier neuf à Toulouse a été l’occasion d’échanger, dans le cadre d’un débat organisé par Stéphane Aubay, président de la fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Toulouse Métropole, avec Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et Philippe Madec, architecte-urbaniste et auteur, en janvier 2018, du manifeste pour une frugalité heureuse et créative. 

Philippe Madec a notamment mis en avant la lourde responsabilité, selon lui, que portent les bâtisseurs dans le dérèglement climatique : leurs domaines d’action émettraient au moins 40 % des gaz à effet de serre et la banalisation des modes de construction les empêcherait de changer les choses.

« Le béton et la climatisation ne respectent ni les lieux ni les gens ». C’est pourquoi il préconise l’abandon du béton, son processus de fabrication produisant trop de CO2, en lui substituant l’utilisation des briques en terre cuite. Il promeut également le recours à la ventilation naturelle en prévoyant systématiquement des fenêtres dans les toilettes et les salles de bain.

D’autres agitateurs d’idées occupent le terrain médiatique. C’est le cas de Jean-Marc Jancovici, fondateur du think tank The Shift Project. Ses propositions : remettre sur le marché les logements vacants (3 millions de logements) et les résidences secondaires (3,6 millions de logements) afin de résoudre la crise du logement et réduire de façon drastique le nombre de logements à construire.

Je ne conteste en aucune manière leur qualité d’agitateurs d’idées et leur légitimité à les défendre. C’est par eux que notre société peut avancer et que l’innovation se trouve stimulée.

En revanche, je regrette le caractère dogmatique que peut prendre la façon dont leurs idées se diffusent au sein de la société. Dire et répéter sans varier qu’il suffit de remettre sur le marché des logements vacants est un vieux dogme qui malheureusement s’enracine progressivement dans l’esprits de nos concitoyens et dans celui de nos dirigeants. Pourtant, il est reconnu que la quasi-totalité de ces logements se situent dans des territoires en perte d’attractivité. Mettre en œuvre, comme le propose Jean-Marc Jancovici, des politiques de revitalisation territoriale prendra beaucoup trop de temps pour répondre à la crise du logement qui s’installe durablement.

En réalité, ces solutions ne sont pas adaptées à ce que je nomme « la vraie vie des gens ». Elles perdent en grande partie leur pertinence dès lors qu’elles sont confrontées au bon vieux principe de réalité. La ville idéale, décarbonée, telle que l’imaginent Philippe Madec ou Jean-Marc Jancovici reste, comme l’a très bien dit Jean-Luc Moudenc, « une ville de principe qu’il convient ensuite de croiser avec le vécu des habitants ».

J’ai également expliqué à Philippe Madec que toute nouvelle norme, car c’est de cela qu’il s’agit, a un impact sur les prix et augmente in fine le coût des logements. Aujourd’hui, de nombreux acquéreurs ont atteint une limite de solvabilité au-delà de laquelle ils ne pourront plus acheter un bien immobilier neuf. La ville idéale se fera sans eux. C’est malheureusement souvent déjà le cas. Ma génération, à l’âge de 25 ans, se lançait dans l’acquisition d’un logement. Rares sont aujourd’hui les jeunes de cet âge qui peuvent le faire, les logements, notamment du fait de l’empilement des normes, sont devenus trop chers. C’est cela également la vraie vie.

Pour éviter d’en arriver à cette situation extrême, il convient de continuer à confronter nos positions respectives. Ce n’est qu’à travers des échanges productifs et respectueux, basés sur le vécu de notre profession, que nous pourrons progresser ensemble, pour le bien de nos concitoyens et de la planète.

A nous de continuer à jouer le rôle d’avocat du pouvoir d’habiter. Nous nous y emploierons à l’occasion du Congrès de la FPI, les 7 et 8 juillet prochains, à Strasbourg !

 

Pascal Boulanger, Président FPI France