À la recherche de la TVA disparue
Depuis quelques jours, l’inquiétude monte au sommet de l’État : les recettes de TVA ne seront pas au rendez-vous en 2025 : 210 milliards d’euros attendus, contre 211 milliards l’an dernier. Une baisse modeste en apparence, mais qui intervient pour la troisième année consécutive.
Devant la commission des finances, Amélie de Montchalin a parlé d’une situation « préoccupante ». À Bercy, les directions se mobilisent. Les inspections s’enchaînent. Les hypothèses se succèdent. On évoque les plateformes étrangères, les « petits colis », la fraude, les erreurs de facturation…
Comme si l’explication devait forcément venir d’ailleurs.
Pourtant, il existe un facteur massif, documenté, mesurable, que personne ne mentionne : l’effondrement de la construction neuve en France.
Je rappelle ce que j’avais déjà indiqué à Bruno Le Maire en 2023, lorsque les signaux étaient encore au vert pour d’autres secteurs : la chute de la production de logements neufs entraînera mécaniquement une chute des recettes de TVA.
Les chiffres sont implacables : Nous produisions autour de 160 000 logements neufs par an il y a encore peu. Nous en produisons aujourd’hui à peine un peu plus de la moitié. Et cela depuis 3 ans maintenant.
Or, un logement neuf, c’est en moyenne 50 000 euros de TVA. Le calcul est simple : 80 000 logements manquants × 50 000 € de TVA = 4 milliards d’euros de recettes en moins. À cette TVA directement liée à la vente des logements, il faut ajouter toute la TVA générée par les activités annexes à l’acte de construire : celle des architectes, des bureaux d’études, des cuisinistes, des déménageurs, des artisans, des fournisseurs de matériaux, et de l’ensemble des entreprises qui interviennent avant, pendant et après la livraison…
Ce n’est pas une théorie. Ce n’est pas une intuition. C’est un fait économique.
Ce qui devrait interroger Bercy n’est pas la disparition mystérieuse de la TVA, mais la disparition très visible d’un secteur entier de l’économie réelle – l’un des rares qui produisent à la fois de l’emploi, de la valeur, des recettes fiscales et du sens pour nos concitoyens.
Je le répète depuis des mois : relancer la construction neuve, c’est autant répondre aux besoins de logement de nos concitoyens qu’à la nécessité de retrouver l’équilibre budgétaire du pays.
Lorsque la France construit moins, elle collecte moins de TVA, elle encaisse moins de droits de mutation, elle perçoit moins d’impôts sur les entreprises du secteur, elle détruit des emplois, et elle aggrave la crise du logement.
C’est un multiplicateur de fragilité.
Je n’ai pas la prétention d’égaler les capacités d’expertise cumulées de l’Inspection des Finances, du Trésor ou de la Direction du Budget. Mais un simple raisonnement de « coin de table » suffit parfois à comprendre ce qu’aucune enquête administrative n’ose regarder en face.
Si l’on veut retrouver des recettes fiscales à la hauteur des besoins du pays, la réponse se trouve peut-être dans les entrepôts asiatiques ou chez les fraudeurs, mais plus certainement dans l’évaporation des logements neufs.
Le logement n’est pas un coût : c’est un investissement qui crée des richesses en France et qui est non-délocalisable. Et c’est surtout l’un des plus puissants leviers fiscaux de la Nation (100 milliards de recettes par an).
À condition, bien sûr, de le laisser fonctionner.
Pascal Boulanger, président de la FPI