Nationale

Editorial du Président

La désinvolture de nos élites

Un rapport d’évaluation du dispositif Censi-Bouvard, produit par l’Inspection générale des finances et par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, en date de juin 2022, vient d’être publié.

Ce rapport met notamment en exergue l’absence de données précises sur la nature des biens (résidences de tourisme, résidences étudiantes, résidences senior) et leur localisation et considère que ce manque de données, qui empêche le pilotage du dispositif, constitue l’un de ses inconvénients.   Sur la base notamment de ce constat, l’Inspection des Finances recommande de ne pas reconduire ce dispositif dont l’efficience n’est pas démontrée.

Même cause, même effet. Cette conclusion est malheureusement semblable à celle produite par la Cour des comptes en mars 2019 sur le dispositif Pinel.

Il est désolant de constater que l’Etat, à l’heure du big data, de la digitalisation et de l’intelligence artificielle, n’est toujours pas en capacité de disposer des données nécessaires à l’évaluation des dispositifs fiscaux.

Il est encore plus désolant que, coup sur coup, deux grandes institutions de l’Etat, l’Inspection des finances et la Cour des comptes, s’appuient sur l’incapacité de l’Etat à évaluer l’efficience d’un dispositif, faute de données, pour en demander sa suppression. Cela revient à considérer que la meilleure façon de prouver l’efficacité d’une mesure, c’est de la supprimer puis de mesurer les conséquences.

En tout état de cause, aucune évaluation ne permettra de rendre compter de l’effet psychologique des dispositif PINEL ou Censi-Bouvard, le recours à ces dispositifs étant principalement motivés, chez les investisseurs particuliers, par la volonté de réduire leurs impôts. C’est le phénomène : « docteur, j’ai mal à mes impôts ». En achetant un logement Pinel ou Censi-Bouvard, nos concitoyens amélioreront également leurs revenus à la retraite. 

La jurisprudence du Conseil d’Etat « Ville Nouvelle Est » de 1971, qui promeut une approche nuancée du droit en mettant en balance les avantages d’un dispositif (préparer sa retraite) avec ses inconvénients (faible évaluation) semble oubliée par les Grands Corps de l’Etat.

Autre motif incitant l’Inspection des finances à demander la suppression du Censi-Bouvard : ce type d’investissement pouvant se révéler risqué, la légitimité d’une aide publique est contestable.

Le vieux travers de nos institutions qui consiste à considérer que les Français manquent de discernement et qu’il convient de les protéger malgré eux continue à proliférer de rapports en rapports. Une telle approche aboutit à pénaliser la très grande majorité de nos concitoyens en les empêchant d’investir pour surprotéger une toute petite partie de la population.

Dans un seul et unique rapport réapparait un travers malheureusement très partagé au sein de nos élites et qui a la vie dure : une certaine forme de désinvolture à l’encontre des entreprises et des français.

En effet, c’est faire preuve de désinvolture à l’encontre des entreprises en décidant de supprimer, quasiment du jour au lendemain, un dispositif parce que l’administration n’est pas capable de l’évaluer.

C’est également faire preuve de désinvolture à l’encontre de nos concitoyens en cherchant à les protéger d’eux-mêmes.

Cette désinvolture, dont on s’est malheureusement accommodé, n’a plus de raison d’être dans le contexte économique et social actuel.

 

Pascal Boulanger, Président de la FPI