Nationale

Editorial du Président

Jouons collectif

L’administration s’est lancée dans une course effrénée afin de publier, avant la fin de la mandature, les décrets d’application relatifs à la zéro artificialisation nette, tels que prévus dans la loi climat et résilience du 22 août 2021.

L’un de ces décrets, qui fixe les seuils des superficies à retenir pour caractériser l’artificialisation ou la renaturation, est particulièrement inquiétant puisqu’il introduit une différence de traitement entre les deux. Ainsi, toute emprise nouvellement bâtie de plus de 50 m2 sera considérée comme artificialisée. En revanche, une surface déjà imperméabilisée (un parking attenant à une supérette en entrée de ville par exemple) de moins de 2 500 m2 qui serait rendue à la nature restera considérée comme artificialisée ! L’argument qui motive cette décision absurde relève uniquement de considérations techniques, l’outil d’observation actuel ne pouvant descendre en dessous d’une maille de 2 500 m2 !

Un semblant de concertation, en mode dégradé, a été mené en des temps records. Le dispositif est cependant resté inchangé malgré nos alertes répétées, formulées en concertation avec d’autres professionnels impactés. Les associations d’élus, de la même façon, ont alerté le gouvernement sur les risques pour les collectivités locales qui vont être confrontées à des bouleversements importants dans l’aménagement de leur territoire sans être suffisamment outillées.

Pourtant, il n’y a pas d’urgence, ces seuils ne seront effectifs qu’en 2031, dans 10 ans !

Nous ne pouvons accepter cette méthode qui consiste à passer en force alors qu’il serait nécessaire de prendre le temps de concerter, d’analyser plus en détail les conséquences d’une telle mesure et de développer tous les outils nécessaires afin de ne pas traiter différemment artificialisation et renaturation. Cocher la case du plus grand nombre possible de décrets parus lors d’une mandature est un bien faible argument face aux impacts qu’ils représentent pour les Français.

Dans une démarche concertée avec mes homologues d’autres fédérations professionnelles, nous avons alerté une première fois Madame la ministre Emmanuelle Wargon sur les risques encourus. Je le referai tant que cela s’avérera nécessaire.

Il existe pourtant des contre-exemples de méthodes fondées sur la concertation, l’échange afin de donner du temps à la réflexion avant de mettre en œuvre des mesures qui vont se révéler profondément impactantes, certes pour notre profession mais surtout pour l’aménagement du territoire national.

Le cas de l’encadrement des recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme est très illustratif. Un vrai travail d’échange a eu lieu dans le cadre de la mission confiée à Christine Maugüé, conseillère d’Etat, à laquelle la fédération des promoteurs immobiliers a été étroitement associée.

L’essentiel des préconisations formulées par cette mission ont été reprises dans la loi ELAN du 28 novembre 2018 et dans un décret de juillet 2018. Elles sont considérées par tous les acteurs, y compris les parlementaires et le gouvernement, comme de véritables avancées, même si, bien sûr, elles restent perfectibles et qu’elles demandent encore à être pleinement prises en compte par certains magistrats.

Toujours est-il que nous devons promouvoir ces modes de concertation, incluant les professionnels, seul moyen à mon sens de mettre en œuvre des politiques publiques équilibrées, efficaces et innovantes.

Nos dirigeants doivent comprendre qu’il est aujourd’hui impératif que l’Etat joue collectif afin d’éviter l’élaboration de mesures qui ne satisfont personne… ou presque. A cet effet, les corps intermédiaires devraient être perçus comme une chance pas comme un obstacle !

 

Pascal Boulanger, Président FPI France