Nationale

Editorial du Président

J’étouffe

J’étouffe. Et je me surprends de plus en plus souvent à me poser cette question simple : comment en est-on arrivé là ?

Prenons un exemple du quotidien, qui pourrait sembler anodin : le contrôle technique automobile. Il doit intervenir au bout de quatre ans. Or certaines marques garantissent leurs véhicules cinq ans. Autrement dit, l’État impose un contrôle payant sur un véhicule encore sous garantie constructeur, dont le fabricant lui-même assume le risque mécanique. On met en œuvre une contrainte sans se demander si elle est encore utile. Où est la logique ? 

Je pourrai citer mille exemples, mais je ne veux pas faire trop long. 

À force de corseter la société, de mettre des barrières partout, nous sommes en train de réduire notre horizon collectif. On ne parle plus d’élan, de confiance, de projet. On ne parle plus de liberté d’entreprendre, de responsabilité, de prise de risque. On parle « conformité », « reporting », « contrôle », « sanction ».

Cette atmosphère finit par peser sur tout le monde : sur les chefs d’entreprise, sur les élus locaux, sur les ménages. L’énergie qui devrait être consacrée à inventer, à créer, à produire, est absorbée par la gestion de contraintes toujours plus nombreuses.

J’étouffe… et je crois ne pas être le seul.

Je ne nie pas les impératifs budgétaires ni les exigences environnementales. Je comprends que l’État doive fixer des règles. Mais une règle devrait d’abord répondre à une question simple : sert-elle vraiment nos concitoyens ? Fait-elle grandir le pays ? Rend-elle la vie un peu plus simple, un peu plus sûre, un peu plus heureuse ?

Mesdames, Messieurs les parlementaires, je vous rencontre régulièrement et j’essaye de vous rappeler que votre rôle n’est pas seulement de prévenir tous les risques théoriques par une batterie de textes supplémentaires. Votre rôle est aussi, et surtout, de permettre à notre pays de respirer. De donner de l’air, de restaurer la confiance, de libérer les énergies, d’aller de l’avant. C’est cet état d’esprit qui rendra les Français plus heureux. Quand nous votons pour vous, c’est avec un espoir d’une vie plus libre et meilleure. Pourtant, j’ai l’intime conviction que dès votre entrée en fonction, vous légiférez, vous normez. Toutes ces actions qui nous étouffent et nous empêchent d’être heureux.

Ce que nous voyons trop souvent aujourd’hui, ce sont des mesures qui enferment, qui contraignent, qui soupèsent tout à l’aune de la défiance : défiance envers les entreprises, les propriétaires, les élus locaux. À force de vouloir tout encadrer, on finit par tout ralentir. À force de vouloir tout sécuriser, on finit par tout stériliser.

Je ne peux m’empêcher de me demander : comment avons-nous pu glisser, presque sans nous en rendre compte, d’un pays qui croyait au progrès, à l’initiative, à la responsabilité, à un pays qui se méfie de tout et de tous ? À quel moment avons-nous accepté que la norme devienne la réponse à chaque problème ?

Il est temps de renverser la logique. De partir des réalités de terrain, des besoins concrets, des effets mesurables. De se demander, avant de voter un texte : va-t-il vraiment libérer une énergie, débloquer un projet, permettre une réalisation utile ? Ou bien n’est-il qu’une précaution de plus, un cordon de sécurité de plus, qui rassure sur le papier mais paralyse dans la vraie vie ?

J’étouffe, oui. Mais j’ai la faiblesse de croire que nous pouvons encore desserrer l’étau. À condition, simplement, de remettre au centre ce qui devrait guider toute décision publique : la liberté d’agir, la responsabilité, et le désir, tout bêtement, de rendre la vie des Français un peu plus respirable.

Pascal Boulanger, président de la FPI