Face à la crise, les finances locales ont-elles bien résisté ?
Oui, comme l’affirme Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, dans un article du quotidien Le Monde du 12 février dernier : « Certains ont crié avant d’avoir mal. »
Selon le Ministre, les dispositifs exceptionnels mis en place par l’Etat dès la loi de finance modificative de juillet 2020 ont fonctionné. Les 10 milliards d’euros mobilisés par l’État auraient selon lui permis d’amortir la crise et de répondre aux alertes des représentants des collectivités.
Les mesures exceptionnelles prises par l’Etat se sont appuyées sur les préconisations et une première estimation réalisée par le député Jean-René Cazeneuve dans son rapport au Gouvernement (juillet 2020) indiquait un coût de 7,3 milliards d’euros pour les collectivités.
Ce rapport rappelle que les collectivités bénéficiaient d’une situation financière solide, notamment pour le bloc communal depuis 2017, avec une maîtrise des dépenses, une fiscalité dynamique et une stabilité des dotations de l’Etat.
Les aides exceptionnelles de l’Etat se répartissent en 3 catégories :
- Les mécanismes de garanties pour compenser les pertes de recettes fiscales ; la 3ème loi de finance rectificative de juillet 2020 prévoyait un montant de 4 milliards d’euros.
- Les dispositifs exceptionnels de soutien à l’investissement ; 2,6 milliards d’euros, avec 1 milliard pour la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), 950 millions pour la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités, 300 millions d’euros pour la rénovation thermique des lycées et 300 millions d'euros pour les mobilités.
- Le plan de relance : 3,7 milliards d’euros dont 350 millions d’aides aux « maires bâtisseurs » et 250 millions d’aides au recyclage des friches industrielles.
Sur la base des premiers chiffres fournis par la DGFIP issus de la clôture des budgets locaux, le Ministre indique :
- Concernant, les dépenses de fonctionnement, les collectivités territoriales enregistrent en 2020 une augmentation de 0,2 %. Ce chiffre masque des disparités : les dépenses sont en baisse pour les communes (-2%) et les régions (-3%) tandis que celles des intercommunalités et des départements enregistrent des hausses. Pour les départements, cette hausse est liée à l’augmentation des dépenses de solidarité (le RSA notamment).
- Les recettes réelles de fonctionnement sont quant à elles en baisse de 1,4 %. Pour les communes, la tendance s'avère beaucoup plus marquée (− 13,9 %), ce chiffre s’explique par la baisse des recettes tarifaires et des produits de service, et pour certaines, des pertes de recettes sur des taxes spécifiques (taxe de séjour, remontées mécaniques…).
Quelques jours auparavant, l’Assemblée des Communautés de France (ADCF) s'était montrée vigilante, lors d’une audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale le 21 janvier. En effet, les chiffres ne sont pas encore consolidés et les données agrégées peuvent dissimuler des situations plus délicates, notamment pour le bloc communal (par exemple les stations touristiques, les grandes villes centres, les communes avec une situation financière dégradée avant la crise).
De plus, l’ADCF précise que pour l’année à venir, les dépenses de protection et d’accompagnement vont se poursuivre (voire se renforcer) tandis que le fonctionnement des services publics va revenir à la normale. Elle souligne que, même si le niveau de trésorerie est important et semble préservé à ce stade, cela n’est pas synonyme de fonds mobilisables liquides (fonds déposés au Trésor et besoin en fonds de roulement).
L’AMF était plus inquiète en décembre, à l’occasion de la présentation des principaux ratios financiers des communes et intercommunalités en 2019. Cette étude, réalisée en partenariat avec la Banques des Territoires et la Banque postale, montre que le montant des investissements réalisés entre 2014 et 2019 (153,8 milliards d’euros) a reculé de 15,9 milliards par rapport au mandat précédent (169,7 milliards d’euros entre 2008 et 2013).
L’AMF replace ainsi les perspectives financières des collectivités locales dans la continuité des baisses des dotations de l’Etat (même si on observe une stabilité depuis 2017) et rappelle la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation (qui va concerner en 2021 les ménages les plus aisés soit 20% de foyers en plus), la baisse des impôts de production et très certainement une baisse des recettes tarifaires liées à la crise.
Pour compléter, deux publications de l’Agence nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) :