En avance de phase
Il y a trois ans environ, au détour d’un échange avec Geoffroy Roux de Bézieux, alors président du Medef, et Patrick Martin, alors président délégué (aujourd’hui président du Medef depuis le 6 juillet 2023), , ceux-ci m’avaient glissé une phrase que je n’ai jamais oubliée : « Tous les secteurs se portent bien… sauf la construction de logement ». J’avais ajouté « Attention, quand la locomotive déraille, les wagons suivent ! ».
Quelques années plus tard, le logement s’enfonce inexorablement dans la crise, mais il n’est plus le seul. L’industrie vacille, la consommation fléchit, le commerce extérieur s’essouffle, l’investissement se grippe du fait des incertitudes politiques. À de rares exceptions près, c’est l’ensemble de notre tissu économique qui montre des signes d’asphyxie.
Le logement, une fois encore, avait une longueur d’avance. Toujours en avance de phase. Toujours le signal faible – ou plutôt le signal d’alarme – des crises à venir.
La raison est simple : parce que les ménages arbitrent très vite. Ils sont sensibles à l’air du temps : aux tensions géopolitiques, aux incertitudes économiques, à la pression fiscale, à l’inflation réglementaire. Dès que l’horizon se trouble, ils reportent leurs projets. L’achat immobilier devient un investissement que l’on diffère, un rêve que l’on range.
Cette avance de phase, on la retrouve aussi sur le terrain fiscal. Depuis le 1er janvier 2018, avec la transformation de l’ISF en IFI, le logement est devenu un élément de patrimoine explicitement désigné à la vindicte fiscale (car considéré par certains comme improductif).
Et voilà que resurgit depuis quelque temps, sous de nouveaux habits, cette idée de taxer tout type de patrimoine. Cette fois portée par Gabriel Zucman. Le schéma qui s’est appliqué au logement est recyclé : on ne taxe pas les revenus, on taxe les stocks. On ne taxe pas l’enrichissement, mais la simple détention d’un patrimoine, indépendamment de sa rentabilité ou de sa liquidité.
Soyons clairs : contribuer à l’effort national quand on s’enrichit est juste. Mais prélever un impôt quand aucun revenu n’est généré, c’est appauvrir mécaniquement les contribuables, brider l’investissement, affaiblir les classes moyennes. Cela devrait être interdit dans la Constitution.
Le logement en a fait les frais avant tous les autres. Immobile, donc non délocalisable (il est rare de partir à l’étranger avec un bien immobilier sous le bras…), il a servi de laboratoire fiscal. Aujourd’hui, 30 taxes ou prélèvements différents peuvent s’y appliquer. Une absurdité. Un acharnement. Et une alerte.
Car ce qui a frappé l’immobilier pourrait bientôt frapper toutes les formes de patrimoine.
Il y a donc urgence à marquer un coup d’arrêt. À exprimer clairement notre réprobation. À refuser cette dérive fiscale qui s’en prend à ceux qui construisent, investissent, entreprennent.
C’est tout le sens du grand rassemblement des entrepreneurs du 13 octobre, organisé par le Medef, auquel la FPI s’associe pleinement. Pour que cesse le matraquage. Pour que la réussite ne soit plus suspecte. Pour que la France redevienne une terre d’initiative et de confiance.
Pascal Boulanger, président de la FPI