Nationale

Editorial du Président

Convergence des luttes ?

La volonté, légitime, des gouvernements successifs de privilégier la transition écologique et de donner des gages aux agences de notation afin de limiter le coût de notre dette abyssale, les a conduits à négliger les secteurs de première nécessité que sont l’alimentation, la santé, le logement.

Pour ceux qui nourrissent les Français, qui les soignent et qui les logent, un sentiment d’abandon voire de mépris s’est fait jour. J’en veux pour preuve, pour notre secteur, le désintérêt total du président de la République, les analyses plus que contestables du ministre du Logement sur le Pinel ou tout dernièrement les raccourcis désagréables voire méprisants de Bruno Le Maire lors d’une émission de grande écoute : « le Pinel, c’est 2 milliards d’euros pour 30 000 logements. A ce prix-là, je les construis moi-même » … No comment.

La convergence des raisons de la grogne des agriculteurs et de celles qui rendent l’acte de construire quasi-impossible est édifiante, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Premier motif de mécontentement des agriculteurs : le trop plein de normes, pour l’essentiel européennes et sur-transposées dans notre droit national.

Il en va de même pour notre profession. Nous ne contestons pas la nécessité d’œuvrer pour la transition écologique mais la folie administrative qui aboutit à produire des normes toujours plus exigeantes. La France est aujourd’hui le seul pays à avoir fixé des objectifs chiffrés de non-artificialisation. La RE 2020 est la norme la plus exigeante d’Europe (et nous avançons déjà à marche forcée vers la RE 2025).

L’autre motif d’inquiétude, voire de colère de la part des agriculteurs : la fameuse stratégie de la « ferme à la fourchette » qui vise à porter à 25% la part de l’agriculture biologique, à l’horizon de 2030. Un objectif qui, selon le monde agricole syndicaliste, conduirait « à une agriculture décroissante » avec une perte de production européenne estimée à plus de 15%.

Est-il besoin de rappeler que le gouvernement table, dans son scénario élaboré par l’ADEME et repris de manière unilatérale par le Secrétariat général à la planification écologique, sur la décroissance de la production de logement, en visant 100 000 logements neufs par an dès 2040, alors que les besoins se situent à près de 450 000.

Cet été, nous avons également vécu une crise hospitalière inédite par son ampleur, la quasi-totalité des services des urgences ayant rencontré des difficultés, malgré les promesses, non tenues, faites l’été précédent.

La raison : la pénurie de médecins et de personnels de santé. On a cru avec le numerus clausus que moins il y aurait de médecins, moins il y aurait de malades. Le logement souffre de la même erreur d’appréciation.

Décroissance, excès de normes (pour l’essentiel environnementales), restrictions budgétaires et, avant tout, absence de considération, aboutissent au désespoir puis à la colère sourde (des agriculteurs, des professionnels de santé, des acteurs du logement).

Désespoir, colère : je ne pensais pas utiliser un jour ces termes comme président d’une fédération professionnelle engagée, responsable et raisonnable. Si le gouvernement reste sourd à nos interpellations, faudra-t-il passer par une convergence des luttes ?

Pascal Boulanger,

Président FPI France