Nationale

Editorial du Président

Adresse à l’ensemble des parlementaires

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Depuis des mois, vous vous êtes saisis avec sérieux d’un sujet que la France ne peut plus se permettre de traiter à la marge : le logement en général et l’effondrement de l’investissement locatif privé en particulier, et, avec lui, l’asphyxie progressive de toute la chaîne de production de logements, et, à une échelle plus macroéconomique, l’économie française.

Je veux d’abord vous dire merci. Merci d’avoir travaillé, auditionné, amendé et, surtout, d’avoir assumé l’idée – désormais largement partagée – que l’on ne peut pas opposer logement privé et logement social. Ce lien est un fait. Il est aussi une condition de l’efficacité publique. L’investissement locatif privé joue un rôle d’entraînement sur l’ensemble du système : c’est grâce aux investisseurs particuliers que l’on peut engager des opérations mixtes associant locatif privé, accession et souvent logement social. La promotion immobilière produit, d’ailleurs, plus de la moitié de l’offre de logements sociaux. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre l’impact de la disparition du locatif privé sur le logement social. 

Cette prise de conscience transpartisane est précieuse. Et elle est probablement l’un des effets les plus utiles de la parole portée depuis de très longs mois : rappeler que le logement est une chaîne, et que retirer un maillon revient à affaiblir l’ensemble. Se loger est totalement apolitique.

Mais la franchise m’oblige à vous dire qu’à ce stade, il manque encore l’essentiel pour que le statut du bailleur privé devienne réellement opérationnel.

Les amendements déposés au Sénat par l’Union Centriste et LR et, notamment, Marc-Philippe Daubresse, portaient une architecture cohérente et crédible pour relancer l’investissement locatif. Les sous-amendements qui ont été proposés et votés, probablement de bonne foi, transforment un outil structurant en un dispositif largement amoindri. 

Je le redis, le sujet n’est pas politique, il est technique et concret : le fait que l’amortissement (mécanisme central du statut) ne peut pas être imputé sur le revenu global tue tous les effets du statut.

Cette mécanique n’est pas un détail. Elle conditionne la réalité de l’effort d’épargne des ménages ciblés. Or nous le savons tous : quand l’effort d’épargne devient trop élevé, l’investisseur renonce, et l’opération ne démarre pas. Les évaluations réalisées montrent que l’effort d’épargne se révèle bien supérieur à 700 € par mois (version sous-amendée), bien au-delà de la zone d’acceptabilité pour les investisseurs particuliers de la classe moyenne qui se situe à 350 – 400 € par mois.

C’est pourquoi, j’en appelle à vous pour que vous restauriez le statut du bailleur privé dans une version la plus proche possible de celle prévue dans le rapport Cosson – Daubresse.

En tout état de cause, la priorité est claire. Il faut a minima rétablir la possibilité d’imputer sur le revenu global le déficit foncier lié à l’amortissement. Sans cette correction, le statut ne produira pas les logements supplémentaires attendus. Et sans ces logements, la crise locative continuera de s’aggraver – pour les jeunes actifs, les familles, les étudiants, les salariés contraints d’accepter l’éloignement, la précarité résidentielle ou de refuser certains emplois (source Medef).

Vous avez déjà franchi une étape décisive : la prise de conscience. Vous avez montré la volonté de faire. Il reste, désormais, la capacité de faire, et cela passe par une CMP qui rétablisse un statut fidèle à son ambition initiale.

Si tel n’était pas le cas, il n’y aurait que des perdants. Les propriétaires investisseurs, les locataires, les bailleurs sociaux, les salariés - cols bleus et cols blancs - des entreprises qui contribuent directement à l’acte de construire.

Je vous rappelle que Bruno Le Maire avait fait son mea culpa peu avant de quitter Bercy : « Soyons honnêtes : sur le logement, nous n’avons pas fait assez ». 

Une sortie de route dans la dernière ligne droite n’est pas envisageable. 

Pascal Boulanger, président de la FPI